jeudi 29 novembre 2012

C'est à vous (6)

A vous, si cela vous dit, de mettre sous cette photo un titre, une phrase ou un petit texte qu'elle vous aurait inspiré. (Vous pouvez l'agrandir en cliquant dessus).

Des femmes et des rêves.

Les femmes ne sortent plus. Déjà quand il fait beau, alors maintenant! Il faudrait remonter dans la chambre et enfiler un manteau ou une veste. Celles qui fument le font à la sauvette, sous une véranda, en regardant la pluie tomber dans le caniveau où les gouttes laissent une trace de calcaire plus claire. Peut-être, en tirant sur leur mégot cherchent-elles à deviner où tombera la prochaine.

Elles restent dans les vieux canapés de cuir vert du salon ou dans d'antiques fauteuils en rotin qui n'ont jamais connu d'Emmanuelle. La télévision est muette. Qu'importe? Elles se parlent à elles-mêmes, rêvant de leur vie antérieure, de leur vie, parce qu'en est-ce une maintenant? Elles dorment aussi, le menton sur leur vieille poitrine, abruties de médicaments. Parfois, au fond du couloir, la sonnerie du téléphone retentit. C'est toujours la même qui se lève. Le temps qu'elle arrive à la cabine, la sonnerie a cessé. Alors, du même pas hésitant, elle revient parmi les autres et poursuit son rêve, jusqu'au dîner.

Lorsque je m'en vais, c'est toujours le même rituel: "Bonsoir, Mesdames." "Bonsoir, Monsieur", plus rarement "Bonsoir, Calyste". Dans quelques secondes, je serai dehors, à remonter mon col, à regagner ma voiture. Elles seront toujours là. Elles m'auront déjà oublié.

mercredi 28 novembre 2012

Délire mais pédagogique (enfin, j'espère...)

Qu'est-ce qu'il ne faut pas faire, quelquefois! Tenez, par exemple, ce matin, pour faire passer la conjugaison du passé simple (qui, d'ailleurs, n'a de simple que le nom) dans une séquence sur le conte traditionnel en sixième, j'ai dû me transformer tour à tour en ogre sanguinaire, en vampire assoiffé, en princesse languissante, tordre la bouche, me lécher les babines, jeter des regards assassins, que sais-je encore.

Succès garanti: toute la classe se tordait de rire, même celui qui jacule déjà! Ah! là, ils étaient réveillés, les bambins. Je me demande ce que le prof de la classe d'à côté a pensé de ce qu'il entendait à travers la porte. N'empêche qu'à l'exercice suivant, quelques fautes seulement! Sauf celui qui jacule déjà, parce que, lui, il ne l'avait même pas commencé, l'exercice...

Un ver pour la nuit

Un rêve abominable il y a de cela deux ou trois nuits.

Je rêvais que je me grattais et, en me déshabillant, je découvrais que j'étais couvert de gros boutons, tous déjà secs sauf un qui me démangeait plus que les autres. Celui-ci, me dis-je, il n'aura pas le temps de sécher en laissant une de ces croûtes disgracieuses! Et j'entrepris vaillamment de le percer pour en extirper l'humeur fétide. Je le pressai vigoureusement entre mes deux pouces mais ce n'est pas du pus qui en sortit: une sorte de ver dodu,  jaunâtre, long comme un ténia, qui s'enroulait sous la peau sans que j'en voie le bout. Étrangement, je ne me suis pas réveillé à ce moment-là mais je ne garde aucun souvenir de la suite.

Le lendemain matin, je me suis levé très fatigué.

mardi 27 novembre 2012

Révélation

Imaginez-le: grand, niais, pas du tout scolaire et pas grand chose d'autre non plus, toujours à bouger, à titiller ses camarades de sixième, dans son monde à lui qui n'est pas celui des autres, refusant les conseils de quiconque (deux aides extérieures ont déjà jeté l'éponge), ne comprenant que la menace et encore. Pas vraiment bête, non, mais hermétique à la scolarisation.

Ce matin, il était dans le couloir, à tenir l'espace réduit de nos déambulatoires, et par le corps et par la voix.  J'allais passer mon chemin puisque, déjà, un adulte s'occupait de son cas lorsque j'ai saisi ce qu'il était en train de dire, de répéter à tue-tête, de hurler à qui voulait bien l'entendre, fier comme personne avant lui. Sur le moment, j'ai cru avoir mal compris. Mais non, c'était bien ça! Notre révolté avait découvert quelque chose qui, visiblement, l'enchantait: "Maintenant, moi, je jacule, je jacule!". Fort en gueule mais pas fort en conjugaison ni en vocabulaire!

Ce charmant bambin a pour prénom Archange! Et moi qui croyais que ces êtres éthérés n'avaient pas de sexe!...


lundi 26 novembre 2012

Et un peu de musique, ça vous dirait ? (119)

Barbara, En relisant ta lettre.
Quinze ans déjà, et toujours là, sur des paroles d'un autre grand.

dimanche 25 novembre 2012

Trous

Certains prétendent, selon eux, être naturels en toutes circonstances. J'aimerais les surprendre une fois pendant leur sommeil, avec la bouche grande ouverte et les muscles du visage complètement relâchés. C'est ça, le vrai naturel, pas le visage que l'on se compose face aux autres en état de veille sans même que l'on s'en aperçoive. Moi, voir un tel visage abandonné, ça m'a toujours ému, même si la beauté en prend un coup. Ça a quelque chose de fragile et de vrai, une part de végétatif que l'on oublie trop dans son personnage social et qui rappelle que l'homme, finalement, n'est que trous, d'où sortent des sons plus ou moins gracieux, d'où naissent le plaisir ou la douleur, d'où sort la vie et où elle se finit.

Gratte-cul

Mon frère est plus grand que moi de quelques centimètres mais sa maladie l'a fait terriblement maigrir et il paraît maintenant beaucoup plus élancé. Ma sœur a toujours été un peu plus petite. Ce soir, ma mère en a sorti une bien bonne. Avant de repartir pour sa clinique, elle nous a regardés longuement et a fini par me lancer: "Ton frère et ta sœur sont grands, et toi, tu es le gratte-cul!".

Chez nous, un gratte-cul est cette sorte de bourre que l'on trouve dans la graine d'une plante buissonneuse, l'aubépine je crois, ou l'églantine, et que l'on glissait, quand on était enfant, dans le cou des copains pour les faire se gratter. C'est aussi une autre façon de dire à quelqu'un qu'il est petit.

Sur la taille, elle se trompe. Sur le reste, elle n'a pas tout à fait tort...

samedi 24 novembre 2012

Entre la poire et le fromage

Hier soir, invitation chez une ex-collègue à la retraite depuis cette année. Petit comité (nous étions sept en comptant nos hôtes). Excellent repas et conversation ininterrompue. Bonne soirée donc. Pourtant, entre la poire et le fromage, je n'ai pu  m'empêcher, comme à mon habitude, de m'extraire un instant de ce qui se disait parce qu'une pensée m'occupait alors fortement l'esprit: je regardais tous ces amis et me disais que décidément, nous avions tous bien vieillis! "Bien" dans le sens où aucun d'entre nous n'est encore trop physiquement atteint extérieurement, mais aussi au sens que nous avions effectivement pris chacun quelques années. Le déclic de cet "aparté" fut une conversation que nous n'aurions pas eue il y a une dizaine d'années: cancer pour les uns, gros problèmes de dos pour d'autres, calcul de la retrait pour d'autres encore.
Chaque âge a ses plaisirs...
Rassurez-vous: nous avons aussi parlé de tas d'autres choses, et bien évidemment de pédagogie! Irrécupérables, ces profs ou ex-profs!

En attendant

Dans la série, on prend de vieux livres qui traînent depuis des années dans la bibliothèque, je viens de lire La Lune et le miroir, de Jean-François Deniau, homme politique disparu depuis et aussi membre de l'Académie française. Je ne me souviens pas d'avoir acheté ce roman. Sans doute Pierre.

Pas mal du tout, dans le genre que l'on oublie vite (mais j'en suis là pour presque tous aujourd'hui!). Ca rappelle beaucoup l'univers de Laurent Gaudé ou certains romans de Maxence Fermine: une sorte de conte africain ancré dans la réalité, raconté à la fois par le conteur d'une tribu inconnue et par le jeune européen qui devint roi de cette tribu avant de subir de leur part ce qu'ils appellent la "mort blanche".

De quoi occuper l'intervalle entre des œuvres qui me tiennent plus à cœur.
(Jean-François Deniau, La Lune et le miroir. Ed. Gallimard)

vendredi 23 novembre 2012

Vraiment ?

En quelle saison était-ce ? J'en garde un souvenir d'automne, un automne ensoleillé où déjà les appartements fraîchissent, mais je n'en suis pas sûr. Ce pourrait tout aussi bien être en été. Pas l'hiver. Enfin, je ne crois pas. Faisait-il nuit? Était-ce le matin? L'après-midi? Je suis presque sûr que, dehors, il faisait soleil. Pourtant, je jurerais qu'il faisait un peu frais et que nous nous étions glissés sous une couverture, dans le vieux lit de la grand-mère, aux bois lisses et cirés. L'impression d'obscurité vient peut-être de ce que nous n'avions pas ouvert les volets, de peur d'être découverts là où nous n'avions rien à faire, surtout pas ce que nous fîmes.

Il avait découvert le Concerto n°1 pour piano de Tchaïkovski et voulait me le faire entendre. Ce fut un saisissement, la première fois. Les notes martelées du début me figèrent dans une sorte de crainte quasi mystique. Le romantisme échevelé du russe fit le reste. Quoi au juste? Je ne m'en souviens guère. Sans doute, comme toujours à cet âge-là (mais quel âge avions-nous exactement?), un bref moment de plaisir survolté suivi, après l'orgasme, d'une gêne indicible, de cette culpabilité sournoise qui nous faisait, chaque fois, nous rhabiller rapidement sans se jeter un regard, prononçant, parce qu'il faut bien meubler le vide, des paroles anodines qui accéléraient la séparation.

Pourtant, dans mon esprit aujourd'hui, tout est clair, je revois la scène, je ressens l'émotion, musicale et physique. J'ai tout réinventé, à ma convenance ? Seule le fin fond de ma mémoire le sait, dans le meilleur des cas. Et même si tout n'est pas vrai, n'a pas été exactement comme je me l'imagine, ça ne fait rien. C'est cette image-là que j'ai accrochée dans la tête.

jeudi 22 novembre 2012

Le der des der

Combien en ai-je vu depuis ma première année d'enseignement? Ce soir, c'était mon dernier défilé de parents. 27 rendez-vous, 25 honorés. L'un des absents s'était excusé de ne pouvoir venir, l'autre pense sans doute que, puisqu'il paie, nous sommes à son service...

Des parents charmants, tous, parce que charmés. Je dis cela sans prétention aucune, mais je suis toujours surpris de mes capacités de séduction dans ces cas-là. Dès que je les vois entrer, je sais comment je vais me les mettre dans la poche, les femmes surtout! Mon sourire le plus enjôleur pendant que je leur tends la main, une question sur le devenir de leur aîné, un regard franc et direct dans lequel transparaît tout l'intérêt que je leur accorde, et je peux ensuite dire ce que je veux, même si ce n'est pas forcément positif.

Les papas ? Je suis plus attentif à leurs temps grisonnantes, à la couleur de leurs yeux ou à quelque chose dans leur timbre de voix qui, tout à coup, m'ouvre des horizons inespérés...  Il m'est souvent arrivé de ne pas écouter ce qu'ils disaient et de devoir les faire répéter.

Et ce soir, même pas particulièrement fatigué! Vous allez voir que je vais bientôt regretter ça!

Perplexité

Ce matin, cours commun français/anglais avec les sixièmes. Un cours que ma collègue (et ex-élève) faisons ensemble depuis le début de l'expérimentation pédagogique que notre nouvelle directrice, encouragée fortement par le directeur général qui, comme il le dit lui-même, n'aime pas ces "intellos" de "pédagos", est en train de démolir consciencieusement. Nous avons même eu, la première année, les honneurs d'une photo dans un magazine national.

Le thème: les contes en tant que textes fondateurs. Ma collègue essaie de les amener peu à peu à la modernité des contes. Un enfant prononce le nom de Disney. Et, à la question de savoir quel était le prénom de Disney, un autre lance, tout fier: "Land!". "Mais non, le reprend son voisin, c'est Channel!"
Ils sont mignons, à cet âge-là! Il est grand temps que je me retire....

mercredi 21 novembre 2012

Bonsoir, au revoir.

Demain, en fin d'après-midi, 27 rendez-vous avec 27 familles venant parler et entendre parler de leur progéniture que je suis cessé éduquer (oui, car parfois, il ne s'agit plus d'enseignement). Autrement dit un rendez-vous toutes les cinq minutes de 17h15 à 19h25. Le temps de se présenter, de les faire asseoir, de les laisser un peu s'exprimer, de dire quelques mots de mon fait et de prendre congé, on a bien conscience du sérieux de l'affaire. Je me console en pensant que ce sera sans doute la dernière soirée de ce type. Et puis, on achève bien les chevaux...

Tellement amoureuse

Sur le trottoir, hier soir. Je rencontre ma voisine italienne, celle avec qui j'ai trop peu l'occasion de parler cette langue que j'aime. Un homme s'approche. Que veut-il ? Un peu d'argent ? Une cigarette ? Mais non, il tend vers moi un index que je crois accusateur, puis montre mon interlocutrice et me dit tout à fait sérieusement: "Je vous félicite, Monsieur."

Elle et moi nous regardons, un peu interloqués et, voyant ma surprise, il précise sa pensée: "Je vois bien qu'elle est follement amoureuse de vous." Puis il se détourne et reprend sa route sana attendre de réponse.

J'aime ces petits moments de folie.

mardi 20 novembre 2012

Des fleurs (7): l'iris

Je les préfère sauvages, vaguement fragiles au bord de l'eau, comme ceux que j'avais découverts un après-midi en promenant mon chien sur les berges du Rhône du côté de Gerland. Aujourd'hui, le chemin encombré de tanières de clochards que l'on n'appelait pas encore SDF a disparu, mangé par l'aménagement d'un parc municipal, et les iris sont morts.

Je les préfère blancs, couleur de la monarchie française dont ils sont l’emblème, bien que beaucoup les confondent avec la fleur de lys. Je n'en trouve que rarement chez les fleuristes.

Je les aime pour leur fragilité, ils ne durent que quelques jours, et leur grâce un peu désuète.

Je les aime pour leur nom, celui de la messagère des dieux, toujours porteuse de bonne nouvelles chez les Grecs de l'Antiquité, celle dont le pied, en laissant sa trace dans l'azur, fait naître l'arc-en-ciel

Wasurenagusa et Hotaru

Les deux derniers tomes de la pentalogie de Aki Shimazaki, Le Poids des secrets. Là où le poids tombe, où les secrets sont dévoilés par la grand-mère à sa petite-fille. Wasurenagusa, ça veut dire myosotis, et Hotaru luciole. J'ai tout autant aimé ces deux derniers opus que les précédents et ne sais pourtant pas en parler (mon résumé ressemble à un sous-article de pigiste de journal gratuit), évoquer le plaisir simple pris à les lire. Peut-être les choses simples ne se racontent-elles pas. (Aji Shimazaki, Wasurenagusa et Hotaru. Ed. Actes sud)

dimanche 18 novembre 2012

Amour

Ma première  réduction senior! Ça fait un drôle d'effet, d'autant plus que le caissier du cinéma ne m'a même pas demandé ma carte d'identité! Presque vexé, il était, le Calystee! Il s'est consolé en voyant comme un présage dans le titre du film!

Lorsque j'avais appris qu'Emmanuelle Riva avait tourné en 2012 aux côtés de Jean-Louis Trintignant, je m'étais bien juré d'aller revoir cette actrice que j'aime énormément. C'est chose faite cet après-midi en compagnie de Frédéric et de J-C.

Qui ne se souvient pas d'Hiroshima mon amour, de Resnais, en 59, de Léon Morin prêtre, de Melville, en 61, de Thérèse Desqueyroux, de Franju, en 62, des Risques du métier, de Cayatte, en 67, et de  La Modification, de Worms, en 70 ? Aujourd'hui, c'est Michael Haneke qui la met en scène dans ce film sur la maladie, la vieillesse et la mort qui a obtenu la Palme d'or du festival de Cannes cette année.

Amour est un film intimiste magnifique. Certes peu désorientant pour moi qui, pour une fois que je ne passe pas le dimanche avec ma mère, retrouve à peu près le même univers sur le grand écran, mais profondément émouvant grâce en particulier à la performance d'actrice d'Emmanuelle Riva. On en oublie presque Trintignant tant est fort le personnage jouée par cette femme désormais âgée. Mais si le physique a vieilli (quel courage de se montrer nue dans la scène de la salle de bain, là où de nombreuses autres auraient refusé sans doute de montrer leur déchéance!), la voix est toujours la même, reconnaissable entre mille.

A la fin de la projection, le public est sorti de la salle en silence, respectueux sans doute tout autant des acteurs que du thème du film. Cette Emmanuelle-là n'a pas besoin d'un fauteuil exotique pour qu'on l'aime!

Jonquilles

Aujourd'hui, repos après avoir travaillé une partie de la journée d'hier pour la porte ouverte du collège. Ce matin, visite  au château de Montchat qui organise deux fois par an une exposition de peintures. Une nature morte m'a tapé dans l’œil dès l'entrée. Il s'agit d'un bouquet de jonquilles de l'artiste hongroise Pehartz. Je suis finalement reparti avec la toile sous le bras, Frédéric et Jean-Claude ayant eu la bonne idée de largement participé à l'achat en guise de cadeau de Noël. Je l'ai positionnée ce soir dans mon bureau où elle sera du meilleur effet. La photo n'est pas extraordinaire et ne rend pas les couleurs d'origine mais j'essayerai de la remplacer par mieux quand je la verrai à la lumière naturelle (c'est-à-dire pas avant mercredi).

samedi 17 novembre 2012

Le Poids du papillon

Si vous voulez vraiment vous faire plaisir, lisez Le Poids du papillon de Erri de Luca. Ce court roman s'inscrit dans la série de ceux inspirés à cet auteur par la montagne. Un vieux braconnier part pour sa dernière expédition au-delà d'où les hommes vont habituellement avec l'intention d'abattre un très vieux chamois, le seul animal qui lui ait toujours échappé. Rien d'autre ? Non, rien d'autre. Mais de Luca n'a pas besoin de beaucoup pour fasciner, tant la poésie la plus pure est présente à toutes ses pages, derrière chacun de ses mots.

J'étais là

Un vrai temps de novembre hier pour la fin des festivités du soixantenaire! Mais j'aime assez cette brume et ce froid particulier des journées d'automne. Je crois que pour tous mes anniversaires, ça a été le cas.

Nous étions 23 chez Patrick et Francine le soir. Émile avait fait spécialement le voyage depuis la Savoie et Marie-Claire depuis l'Isère. Des amis dont les âges s'échelonnaient de la trentaine à plus de quatre-vingt. Je crois que tout le monde a bien apprécié la soirée: boisson (ah! le punch de Patrick et le champagne de Francine!) et nourriture abondante, rires et bonne humeur. Discours demandé et non préparé, donc un peu "embarrassé" après l'apéritif. Ni Kicou ni Amédé, mes vieux amis décédés, n'étaient là pour faire la fête mais j'ai respecté les règles des dizaines instaurées par Kicou pour l'apéritif et pour le dessert: une pièce montée!

Et puis des fleurs, beaucoup de fleurs, et puis des cadeaux, dont Le Petit Traité de l'abandon, d'Alexandre Jollien, que j'avais bien l'intention de lire. Et puis plein de sous qui me permettront dans un avenir proche de changer mon ordinateur. Une dernière chose: hier, j'étais vraiment là, avec les autres.

vendredi 16 novembre 2012

Voyages d'enfance

Vous êtes-vous jamais promenés dans une forêt d'eucalyptus géants? Moi oui. C'était il y a bien longtemps, je devais approcher une dizaine d'années. Je n'étais pas seul bien sûr, j'avais pour compagnons d'expédition deux autres enfants: Mary, qui était belle de ses seize ans, et Robert, du même âge que moi.

 Je m'en souviens comme si c'était hier. D'abord de ces troncs immenses qui dressaient au-dessus de nos têtes comme les voûtes d'une cathédrale résonnant de mille bruits inconnus à nos oreilles, possibles dangers qui nous auraient fait frémir si deux ou trois adultes ne nous avaient accompagnés. De cette lumière aussi, particulière, qui renforçait l'atmosphère sacrée du lieu, comme si le soleil s'amusait à éclabousser un encensoir pour se cacher l'instant d'après, plongeant le déambulatoire qui s'ouvrait devant nous dans une profonde ténèbre. Et puis l'odeur, un parfum particulier, jamais senti dans les bois de mon enfance, un mystère de plus qui nous chatouillait les narines.

C'est étrange, ce souvenir si ancien qui, dès le moment où je l'évoque, me fait ressurgir les mêmes sensations, les mêmes émois et, pour tout dire, les mêmes joies, faites d'angoisse et de curiosité mêlées. Je me souviens: j'étais tout près de chez mes parents, je gardais quelques chèvres en liberté, et moi, je l'étais encore plus qu'elles. Je dévorais Les Enfants du capitaine Grant de Jules Verne. Magie de la lecture. Je plains ceux qui ne la connaissent pas.

A peu près

Il paraît qu'en 14, des poilus se sont "butinés" dans les "tronchés" !

jeudi 15 novembre 2012

Quand la caméra était intelligente



La Caméra explore le temps (1960).
Et que du beau monde au générique: André Castelot et Stellio Lorenzi aux manettes; Georges Descrières, François Maistre, Maria Mériko, Eléonore Hirt, Jacques Castelot dans les bas de soie!
J'avais huit ans et j'adorais ça.

Des nouvelles de ma coiffeuse

Elle va bien, merci. J'y vais maintenant chaque fois que la tignasse qui me tient lieu de chevelure n'est plus domesticable et elle tient toujours à ce que ce soit elle qui me coiffe. Et ça papote, et ça papote! Elle m'a demandé conseil aujourd'hui pour l'inscription, l'an prochain, de ses jumeaux dans un collège privé. Même chose auparavant avec la laborantine du laboratoire d'analyses médicales. Si je ne sais pas quoi faire de mon temps à l'avenir, je pourrais toujours monter un cabinet de conseils! Ça rapporte, au moins, ça ?

Un signe ?

Tiens, pour la première fois de ma vie, je vais me faire vacciner contre la grippe. Oh la la! Je ne serais pas en train de prendre des habitudes de vieux, moi ?

Autre signe inquiétant: tout à l'heure, à la devanture d'une échoppe de presse, je vois un hors-série de Télérama consacré à Barbara. J'allais me précipiter à l'intérieur pour l'acheter quand quelque chose, à la dernière minute, m'arrêta: n'avais-je pas déjà vu cette couverture quelque part ? En regardant mieux, j'ai fini par découvrir qu'il s'agissait d'une réédition à l'occasion du quinzième anniversaire de sa mort...

mercredi 14 novembre 2012

Une histoire de fous

Sous la verrière de la clinique de ma mère, il y a un distributeur de boissons à côté duquel je passe chaque fois que je lui rends visite. Par hasard, l'autre jour, j'ai eu la curiosité d'en lire la marque du fabriquant. Après m'être éloigné, je suis même revenu en arrière pour vérifier que j'avais bien lu. En grosses lettres un peu tarabiscotées apparaît la marque: Jending!  Pour une clinique psychiatrique, j'ai trouvé ça désopilant.

Renseignement pris,  il fallait lire Vending. Tant pis, ils n'ont qu'à adopter une autre police de caractères. Moi, je préfère me marrer chaque fois que je passe!

Pléonasmes

Voilà bien quelque chose qui m'énerve quand ils sont le fait de personnes censées connaître la langue française et l'utiliser correctement.

Deux exemples parmi les tout récemment entendus ou vus:

- sur un abribus, une publicité pour une chaîne de télévision ou peut-être un magazine: "créateur innovant"! Ah bon, parce qu'il peut en être autrement ?

- un journaliste à la radio: " Le taux de ...(je ne sais plus quoi) a augmenté de 10% de plus. S'il avait augmenté de 10% de moins, ce serait sans doute ce qu'on appelle la croissance négative ?

Bon, en même temps, il faut moi-même que je batte ma coulpe: je dis souvent "faire de la marche à pied."

(Dans un autre ordre d'idées, m'agacent également les tics pleins de niaiserie des présentateurs de télévision:
"Après une page de publicité, la météo DE Catherine Machin"
" Et maintenant, il est l'heure de VOTRE grand film..."
et tutti quanti....)

mardi 13 novembre 2012

En haut à gauche

Ce recueil de nouvelles de Erri de Luca, sorti en Italie en 1994, n'a été traduit en français que cette année 2012. J'ai beaucoup apprécié de quitter cette fois-ci les livres qu'il consacre ces derniers temps à des interprétations de textes bibliques pour me retrouver dans ce que je préfère chez cet auteur: l'évocation de son enfance, de sa vie d'ouvrier, de son amour de la femme, de sa tendresse pour un père disparu.

 La dernière nouvelle, qui donne son titre au recueil, est une pure merveille de sensibilité: elle raconte les derniers jours de ce père tant aimé et sa passion pour la lecture.

 "Je les ai lus en entier, je n'en ai laissé aucun à moitié, même décevants ou présomptueux je les ai suivis jusqu'à la dernière ligne. Parce que c'était beau pour moi de tourner la page lue et de porter mon regard en haut à gauche, là où l'histoire continuait. J'ai toujours tourné très vite la feuille pour reprendre à cette première ligne, en haut à gauche."
( Erri de Luca, En haut à gauche. Ed. Gallimard. Trad de Danièle Valin.)

C'est à vous (5)

A vous, si cela vous dit, de mettre sous cette photo un titre, une phrase ou un petit texte qu'elle vous aurait inspiré. (Vous pouvez l'agrandir en cliquant dessus).

Et une question, cette fois-ci: de qui s'agit-il?

lundi 12 novembre 2012

Momentini

- Le parc du collège, retrouvé aujourd'hui, a enfin pris ses couleurs d'automne. Je suis toujours époustouflé par cette beauté saisonnière. Ce matin, il faisait soleil, je n'avais pas mon appareil sur moi. Dans l'après-midi, j'aurais pu prendre des photos, mais il n'y avait plus de soleil. Dernier automne à contempler ce spectacle là haut.

- Notre nouvelle directrice a-t-elle eu vent qu'elle ne se faisait pas que des amis dans les enseignants? Je l'ignore mais le subodore fortement. Un mail (elle ne sait communiquer que par ce moyen) pendant les vacances pour nous remercier du travail accompli. Surprenant! Et encore plus soufflant, ce matin, alors que je faisais une bise à ma vieille amie Isabelle, elle m'en a réclamé une pour elle aussi. On ne va tout de même pas se lécher la trogne tous les jours!

- Ma mère est parfois sidérante: elle peut passer de la pire des vacheries à la plus câline des attitudes. Dimanche soir, elle m'a assis: "Ta grand-mère t'aimait bien. Approche-toi, je vais la remplacer."

- La nouvelle prof d'histoire, la folle, s'est fait teindre en blond. Elle était déjà blonde, mais là, c'est champ de blé! Avec des frisettes par dessus le marché. En fait, ça ne frise qu'une chose: le ridicule.

- Reçu aujourd'hui (ils ne perdent pas de temps à l'assurance retraite quand ils veulent) une lettre avec estimation du montant de ma retraite. Pas de quoi sauter en l'air de joie. Mais il y a plus malheureux.

- Dernier passage en librairie: deux Shimazaki et deux De Luca. Il y a des jours, comme ça!

- A Chambéry, appris sur une enseigne de commerce un mot que j'ignorais: une "talémèlerie". Étymologie: de taler (pétrir) et mesler (mélanger), donc en vieux français: une boulangerie.

- Sur la voûte du sanctuaire de la Vierge Noire à Myans, cette inscription censée reprendre les paroles des démons arrêtant le glissement de la montagne devant l'ancien petit oratoire de la Vierge: "Passons outre. Nous ne pouvons: la Noire nous en empêche." Ils n'ont pas pensé à lui demander ses papiers?

dimanche 11 novembre 2012

Agapes

Décidément, la soixantaine doit être un événement marquant puisque je ne cesse, depuis quelques jours, de la fêter. Ce fut d'abord un excellent repas chez Jean-Claude le jour même, c'est-à-dire mercredi (eh oui, Cornus, ce n'était pas le 5 mais le 7!), en compagnie de Frédéric et de Pierre. Champagne et fleurs ont aussi été au programme.

Aujourd'hui, au restaurant, avec ma mère, ma sœur et une amie, où j'ai eu la joie de voir le bonheur de ma mère mangeant des huîtres et recevant, comme à chaque visite dans cet établissement, des baisers du restaurateur (baisers que je lui envie...).

Vendredi prochain, c'est moi qui invite, chez Patrick et Francine. Nous serons une petite trentaine, tant amis que collègues (et néanmoins amis). Comme le feu d’artifice clôturant les festivités.

Et hier, grande première! J'ai reçu  la Duchesse de Kent chez moi! Non, celle-ci n'a rien à voir avec les Winsor! C'est ainsi que j'ai surnommé affectueusement (et sans qu'elle le sache) la maman de Frédéric, qui était là aussi, ainsi que Jean-Claude. Bonne soirée autour de la table, dans mon appartement qu'elle a beaucoup apprécié. J'avais mis, comme l'on dit chez nous, les petits plats dans les grands car je tenais à lui faire plaisir. Ne m'avait-elle pas invité à ses soixante-dix ans chez Bocuse alors qu'elle ne m'avait jamais rencontré?

Demain, petit entracte dans les agapes avec la reprise du travail. Mais, pour ce soir, tout près de mon lit, j'aurai la joie de la compagnie de Pontalis et de De Luca. Heu-reux, vous dis-je!

Deux jours en Savoie

Lundi et mardi, je suis allé chez mon vieil ami Émile, prêtre à la retraite tout près d'Aix-les-Bains. Je le connais depuis longtemps et nous avons fait de nombreux voyages ensemble (Allemagne, Égypte...). Il a aujourd'hui soixante-dix ans et souffre de diabète. Mes derniers séjours chez lui avaient été un peu tristes, parce que je le voyais souffrir sans rien dire, diminuer physiquement et abandonner des activités qu'il avait aimées depuis toujours, comme la lecture par exemple. Il ne sortait plus guère et se contentait de faire son jardin et ses conserves.

Cette fois-ci, il s'était comme réveillé et nous avons passé les deux jours pratiquement toujours dehors. J'avais émis l'idée de revoir l'abbaye de Hautecombe, sur les bords du lac du Bourget, où j'avais pour la première fois mis les pieds aux alentours de mes sept ans, si j'en crois une vieille photo qui nous montre, ma grand-mère, ma tante, ma cousine et moi devant le bateau, à l’embarcadère. Nous y sommes allés, sous un ciel où se mêlaient soleil et pluie. Je n'en avais gardé aucun souvenir. La visite m'a intéressé, même si la beauté du bâtiment où sont enterrés de nombreux ducs et comtes de Savoie, maints rois et reines d'Italie, n'égale pas pour moi celle du monastère royal de Brou. Émile, fatigué, m'a ensuite attendu pendant que je descendais par la grange batelière jusqu'au bord de l'eau pour profiter du paysage évoqué par Lamartine.

Le lendemain, pendant sa visite à l'hôpital, j'ai visité le vieux centre de Chambéry, ville bourgeoise mais qui comporte encore d'anciens quartiers intéressants autour du château. Émile m'a ensuite emmené à Myans, à quelques kilomètres, où se trouve un sanctuaire de la Vierge Noire. Il fut construit par quatre moines franciscains à partir de 1452 après un éboulement du Mont Granier qui fit plusieurs milliers de morts (1248), en remerciement à la Vierge puisque le glissement des roches s'était arrêté au pied d'un oratoire consacré à Marie. D'abord la crypte puis, quarante ans plus tard, une chapelle au-dessus. Les voûtes sont recouvertes de fresques peu esthétiques mais intéressantes réalisées en 1936 par Léon Raffin et représentant tous les saints et les saintes de Savoie. Plus attachants sont la statue de la Vierge Noire, le chemin de croix en bois d'olivier et le tabernacle de facture moderne. Le sanctuaire est aujourd'hui dominé par une imposante Vierge à l'enfant, proche dans sa facture de celle qui domine la Basilique de Fourvière à Lyon. La montée à la statue par un escalier étroit en colimaçon coupe les mollets mais est récompensée, au sommet, par une vue étendue sur les montagnes et collines voisines où pousse de la vigne qui donne un excellent vin blanc.

L'après-midi, balade dans Rumilly où Émile et Pierre se sont connus dans un collège privé avant d'entrer au séminaire.

Et puis, je ne peux pas évoquer une visite chez mon vieil ami sans parler de sa cuisine, rustique mais délicieuse: langue de bœuf, magret de canard et velouté de potiron, entre autres. Deux bons jours, quoi. Heureux surtout d'avoir vu Emile reprendre goût à la vie.


samedi 10 novembre 2012

Merci posthume

Tout en songeant à ma retraite, j'ai repensé à ce vieil ecclésiastique qui nous avait trouvé du travail, à une amie et à moi. Cette amie a pris un congé anticipé pour cause de maladie, l'ecclésiastique est mort, depuis bien longtemps maintenant. Moi, je termine ma "carrière".

Dans les faits, cet homme ne m'aimait pas et je n'ai jamais, moi non plus,  accroché vraiment avec lui. Il affectionnait davantage mon frère, à qui il prodigua de nombreux conseils pour l'éducation de ses enfants et au moment de ses déboires conjugaux. Notre relation à nous deux passait uniquement par l'intellect,  jamais par l'affection. Nous avons eu parfois des discussions intéressantes, même si nous n'étions pas forcément du même avis. Mais je ne supportais pas le manque de délicatesse qu'il affichait souvent avec la ferme intention de choquer, ni sa curiosité directe ou insidieuse, selon les circonstances.

Pourtant, c'est à lui que je dois mon poste dans l'enseignement, dans un collège qui, s'il est en train de prendre un virage qui ne me convient pas, m'a procuré des années de bonheur et de plaisirs. Alors voilà: je tenais, avant de le renvoyer au fond de ma mémoire, à lui témoigner ma gratitude et à lui dire une nouvelle fois merci.

jeudi 8 novembre 2012

22h22

A ma montre, il est 22h22. Un petit clin d’œil à qui le reconnaîtra! Tu me manques, Mademoiselle.

La dernière plume

On ne connaît de la seconde partie de la vie de Rimbaud que ce qu'en disent les lettres qu'il envoya à sa mère à Charleville ou à sa sœur en Suisse. Sans ces lettres, ce serait le trou noir et je subodore que le mythe du poète maudit n'aurait jamais pris forme s'il ne les avait pas écrites.

Aujourd'hui, qui écrit encore des lettres? De quand date la dernière reçue dans ma boîte? De quand la dernière timbrée et envoyée par mes soins? Paul, mon ami parisien écrivain et traducteur, s'en plaignait au téléphone: il regrettait le temps où il recevait de ma part de longues pages recouvertes de mon écriture de chat.

Ainsi donc, notre ère qui s'autoproclame celle de la communication risque-t-elle, en d'autres temps, d'apparaître exclusivement comme celle du silence. Les Rimbaud sont fatigués ou ont disparu, comme les dernières plumes du dodo.

Le Signal

Enfin! Après une période un peu maussade question lectures, je viens de terminer un livre qui m'a emballé: il s'agit de Le Signal, de Ron Carlson. Bien sûr, encore une fois, les grands espaces américains (ici, le Wyoming)  comme je les aime depuis l'enfance. Une histoire à la fois simple et complexe, mêlant un amour finissant et un suspense "scientifique" au cœur des montagnes. Beauté de la nature et noirceur de l'espèce humaine. C''est un peu con, ce que je dis là, et, tant qu'à être con, je ne vais pas reculer devant le cliché si souvent employé quand il s'agit de romans: c'en est un qu'on n'a pas envie de fermer le soir pour dormir tant on est pressé de savoir. Mais, cette fois-ci, c'est vrai.
( Ron Carlson, Le Signal. Ed. Gallmeister. Trad. de Sophie Aslanides.)

mercredi 7 novembre 2012

Le Temps qui reste


Tout rond

Et voilà! On s'absente pendant deux jours et la soixantaine en profite pour vous tomber dessus. Oh! pas sans prévenir, certes! Je la voyais venir, la sournoise, l'inéluctable, la toute ronde. Je l'attendais même, pour voir ce que ça faisait et, cette nuit, alors que je lisais, j'ai, à un moment, regardé l'heure: minuit  deux. J'avais soixante ans et deux minutes.

J'ai regardé autour de moi: rien n'avait changé, le livre dans mes mains, le marque-pages tout près de la montre, le dessus de lit rejeté car il fait chaud chez l'ami Émile, au plafond l'arrondi de la lumière de la lampe. J'ai regardé en moi: rien n'avait changé, ni plus ni moins de douleurs diffuses, ni plus ni moins de pensées folles. Curieusement, je n'ai pas pensé au passé, pas plus qu'à l'avenir. Je n'ai pensé qu'à moi, lu encore quelques pages (combien depuis que je sais lire?) et éteint avant de prendre la position du fœtus, sur le flanc droit, celle qui m'est le plus propice à l'endormissement.

Aujourd'hui, retour à Lyon dans les brumes et les couleurs de l'automne, des sms, des coups de téléphone, une soirée prévue en petit comité. J'apporte une bouteille de champagne: ça s'arrose! Il faut bien fêter ça!

dimanche 4 novembre 2012

Et les yeux dans les yeux...

J'étais étudiant à l'époque. Je n'avais pas de voiture, ce qui affine la datation: j'avais probablement entre dix-huit et dix-neuf ans. Je prenais le bus, matin et soir, pour rejoindre la fac ou ma chambre en cité universitaire. Étrangement, je me souviens encore parfaitement du lieu: avenue Berthelot, dans le 7°, entre Jean Macé et les quais du Rhône.

J'étais à l'avant du bus, debout juste derrière le chauffeur. Il y avait pas mal de monde. Près de la porte centrale, une femme d'un certain âge, visiblement aisée, tout près du troisième âge. Derrière elle, un jeune homme, à peine plus âgé que moi et que j'avais remarqué pour la beauté de son visage. Bientôt, ce fut davantage sa façon de se comporter  qui m'intrigua. Il semblait nerveux, ne cessant de regarder autour de lui. Je le vis plus tard plonger délicatement la main dans le sac de la bourgeoise et commencer à en extirper quelque chose. Mais à ce moment-là, ses yeux croisèrent les miens et son geste s'arrêta net.

Je l'avais vu et il avait vu que je l'avais vu.  Nous ne nous quittâmes plus du regard pendant de longues secondes. Pendant ce temps, mon  cerveau  fonctionnait en mode turbo. Que devais-je faire si, malgré moi, il s'emparait de quelque chose appartenant à cette femme? Prévenir le chauffeur, la victime? Dénoncer le pickpocket? Il pouvait devenir violent. Je ne sais pas ce qu'il lut dans mes yeux qui ne le lâchaient pas, un profond mépris, une menace, de la pitié, de l'empathie...

A l'arrêt suivant, il descendit sans avoir rien subtilisé et, du trottoir, m'adressa de la main un baiser. Je n'ai jamais regretté ma façon d'agir ce jour-là. Peut-être est-ce, même, de ma vie, le baiser dont je me souviens le mieux.

Voilà le souvenir qui m'est revenu tout à l'heure, sans raison. Pourquoi? Mais je me pose aussi une autre question: l'aurais-je dénoncé s'il n'avait pas été beau?

samedi 3 novembre 2012

Obsessions

- Guillotière: le regard affamé des jeunes beurs sur les minettes du samedi, robe haute sur cuisses obèses. Elles passent, ignorant. Ou faisant semblant. Elles ont pourtant l'air ravi.

- Gambetta: deux résistants fusillés sur ce trottoir. Des noms de l'est, polonais, mineurs peut-être, ou ouvriers. La plaque, sale, est maculée d'un tag. Personne ne la lit. Tout près, on débloque les téléphones portables.

- Bellecour: plongé dans le choix d'un livre. Derrière moi, dans la librairie, quelqu'un appelle: "Pierre!". Instinctivement, je me retourne et cherche. Un jeune garçon de quinze ans, sa mère sans doute. Qui d'autre? Il ne peut en être autrement.

- Rhône: passage obligé des ponts, fixant l'itinéraire. Pas de liberté avec le fleuve. Dernière lumière, là-bas, à l'ouest. Gifles du vent du sud qui secoue les écharpes. Demain, il pleuvra.

vendredi 2 novembre 2012

Oreiller d'herbes

Il est toujours plus facile de dire du bien d'un livre que de le critiquer négativement. Mais comment faire autrement quand, comme moi, on s'est ennuyé en le lisant? J'ai acheté Oreiller d'herbes de Natsumé Sôseki parce que ce titre me plaisait, parce que la quatrième de couverture parlait d'un peintre qui se retire du monde, dans une auberge de montagne, pour réfléchir à son art, peindre et atteindre un état contemplatif.

Oui, c'est bien de cela dont il s'agit mais bien lourdement exprimé, à mon avis: l'histoire est à peine entamée que l'auteur se livre à des digressions sur son art, sur les arts en général, longues,  un tantinet absconse et, en fin de compte,  lassantes par leur volonté fréquente de dénigrer l'art occidental.

Voilà: je n'ai pas aimé. Passons à autre chose.
( Natsumé Sôseki, Oreiller d'herbes. Ed. Rivages. Trad. de René de Ceccatty et Ryôji Nakamura.)

Téléphones matinaux et odeurs d'automne

Ce matin, tôt (pour moi!). Qu'est-ce que c'est encore? Hier, c'était pour une urgence médicale avec ma mère. De l'angoisse mais, apparemment, rien de grave. Peut-être est-ce cette fois ma vieille voisine qui pense que je dois bien être levé à cette heure-là? Non, c'est Frédéric: contre toute attente, il fait beau sur Lyon. Alors, aux champignons. Belle cueillette de chanterelles grises, mais plus un cèpe: il a gelé ces dernières nuits là-haut. Le ciel ne s'est assombri qu'en début d'après-midi et un vent assez fort s'est levé.

 Ce soir, c'était donc tri avec, sur la table du salon, l'odeur des bois du matin, ce parfum d'humus que je reconnaîtrais les yeux fermés, quelques mousses arrachées lors de la cueillette, des aiguilles de pins, des petites feuilles jaunies, deux ou trois insectes minuscules qui devaient bien se demander ce qu'ils faisaient là et même une limace dont le destin aura été de finir son existence en ville.

Demain, ce sera dégustation avec un bon rôti de veau choisi dans un morceau qui n'est pas sec et dont j'oublie toujours le nom. Tiens, il me revient: de la noix. Lucienne et le "marquis" seront aussi de la soirée. Nous éviterons sans doute de parler de Céline.

jeudi 1 novembre 2012

Génie précoce

C'est écrit dessus!

Alléger, approfondir

Gilles est venu chercher tout à l'heure les livres qui l'intéressaient parmi ceux mis depuis longtemps dans un sac sous le bureau de la chambre d'amis, des livres concernant les sciences de l'éducation principalement et que j'avais gardés pensant les lire un jour. Petit pincement au cœur de les voir partir alors que Pierre y tenait tant et aussi joie de les donner à quelqu'un que j'aime et qui s'en servira pour rédiger la thèse qu'il a entreprise.
De tous, je n'en gardera qu'un seul, retrouvé par hasard au milieu de ce fatras: Le Pèlerin et le converti, de Danièle Hervieu-Léger, une des ses anciennes amies. Si j'ai renoncé, pour ma retraite, à lire sur mon ancien travail, je ne renonce pas à me pencher plus avant sur les questions traitant de la religion et de la place de l’Église dans nos sociétés actuelles. Et puis, mon vieux rêve: apprendre l'allemand.