vendredi 29 février 2008

La lessive.

Quand j'étais enfant, à la campagne, il y avait le jour de lessive, toujours le même, je ne sais plus lequel mais toujours le même.

Une fois ma grand-mère maternelle morte, je dus regagner la maison familiale et faire la connaissance d'un frère et d'une sœur, bientôt deux. En tant qu'aîné, il m'était (beaucoup) demandé de participer aux divers travaux de la maison. Ce jour de lessive, j'en garde à la fois un très bon et un très mauvais souvenir.

Le bon, c'est l'odeur de la poudre à laver, la mousse qui s'écoulait à terre (il fallait vidanger la machine à l'extérieur) et s'irisait dans ses bulles au soleil - nous récupérions de cette mousse entre nos mains pour y observer notre reflet au gros nez ou pour en déposer sur celui de l'un d'entre nous que nous transformions ainsi en clown pour quelques secondes, le temps que les bulles éclatent. -, le moment où nous allions avec ma mère étendre les lourds draps blancs à même l'herbe du pré où, en séchant, ils s'imprégnaient d'une odeur que je n'ai plus jamais retrouvée ailleurs, l'autre moment, plus tard, où nous essayions de les plier correctement en tirant de toutes nos forces chacun à un bout, pendant que les plus petits s'amusaient à passer dessous et à les attraper pour que nous lâchions prise.

Le mauvais, c'est l'humeur de ma mère, à un moment ou à un autre de la journée. Nous savions que - pour quelle raison précise? mystère - le jour de lessive ne se passait jamais sans des cris, de l'énervement, voire quelques taloches à ceux qui se trouvaient le plus près de la main. C'était le prix à payer pour le reste. Je n'aimais pas non plus le système très rudimentaire d'essorage qui consistait en deux rouleaux de caoutchouc très rapprochés l'un de l'autre, entre lesquels il fallait faire glisser les draps pour en extirper le maximum de liquide. Parfois le drap acceptait bien la manœuvre et passait sans difficulté. Parfois il se plissait, se mettait en travers, arrivait même à bloquer totalement le mécanisme. Sans doute était-ce dans ces moments-là que la main volait un peu vite.

Et puis, il y avait le cadeau. Nous attendions avec impatience le nouveau paquet de lessive Bonux, et recevions à tour de rôle, ou selon le sexe concerné, la surprise en plastique qui se trouvait sur la poudre: poupées, voitures miniatures, éléments de dinette, peut-être même billes et agates.

Je ne me souviens plus très bien des objets ainsi collectés. Ce qui l'emporte dans mes souvenirs, ce sont les parfums des draps, les odeurs d'herbe et de lessive qui me rassuraient, me grisaient parfois et m'aidaient à tranquillement m'endormir, et la douceur des initiales brodées de coton, souvent d'un violet très pâle, que je lissais entre deux doigts en me laissant couler dans mes rêves.

Explosion.

Hier, peu de temps après mon retour d'Avignon, une forte explosion a retenti dans un quartier très proche de chez moi, tout près de la Part-Dieu.


Je n'ai rien entendu. C'est ma sœur qui m'a prévenu, inquiète de savoir si j'étais bien rentré. J'ai moi aussi téléphoné à J. qui, pour regagner son travail depuis mon domicile, emprunte forcément ce chemin. Rassuré, j'ai attendu aujourd'hui pour aller constater de visu l'étendue des dégâts.



Bien sûr, le périmètre de sécurité est assez important, d'autant plus qu'une seconde alerte au gaz a eu lieu cet après-midi, et l'endroit envahi de policiers et de pompiers auxquels il faut ajouter les employés communaux venus évacuer les gravats et particulièrement les innombrables morceaux de vitres brisées jonchant le carrefour La Fayette/Garibaldi.


De nombreux badauds se pressaient le long des barrières métalliques et je me suis senti gêné d'en faire partie, mon appareil-photos à la main. Les spectateurs, cependant, étaient très calmes et très respectueux du travail effectué par les sauveteurs, et les habitants des immeubles touchés pouvaient, accompagnés de pompiers, se rendre quelques minutes dans leurs appartements pour récupérer le strict nécessaire, sans être dévisagés ou immédiatement assaillis par des curieux en mal de narration forte.


Inutile de dire que, cet incident ayant eu lieu à l'intersection de deux grandes artères de la ville, la circulation, et particulièrement celle des lignes de bus, s'en trouve passablement perturbée, même si un certain nombre de lyonnais finissent en ce moment leurs vacances de neige dans les stations des Alpes.

jeudi 28 février 2008

Je suis un vampire.

Ton cou, au creux, là où la vie palpite. J'écarte le col, respire l'odeur de ta peau, de tes cheveux, sur ta nuque, et puis je pose mes lèvres sur ta veine salée et je te bois.

La plus jeune.

Je suis rentré à Lyon ce matin. A. m'a raccompagné à la gare TGV d'Avignon. Je l'ai rappelé ce soir, comme convenu.


Je suis très content de ce petit séjour en Provence. J'y ai revu d'anciens amis, j'ai approfondi cette relation d'amitié avec D., et surtout nous avons beaucoup bougé, A. et moi. Hier, pour la dernière sortie, j'ai suivi les conseils d'Oceania et, au lieu d'Arles initialement prévue, nous sommes allés à la Roque d'Antéron, à l'abbaye de Silvacane. Silva cana: la forêt de roseaux. La plus jeune des abbayes cisterciennes du midi. Elle forme, avec ses deux aînées, Sénanque et le Thoronet, le magnifique triptyque du roman en Provence. Roman déjà annonciateur de l'architecture gothique.



A Silvacane, j'ai vu, chère Oceania, l'énorme platane devant l'église, j'ai touché comme vous la pierre chaude et j'ai été, comme à Sénanque, à la fois écrasé et accueilli tendrement par cette vaste nef lumineuse dont le dépouillement me plaît tant. La fleur d'eau, je l'ai contemplée aussi, et le dortoir des moines, et le scriptorium. C'est un peu comme si vous étiez là, à guider nos pas. Je me suis souvenu avoir lu, il y a quelques années Les Pierres sauvages, de Fernand Pouillon. Il faudra que je le cherche dans ma bibliothèque et que je le prête à A.


Aucune voix ne s'élançait de la petite chapelle à gauche du choeur, mais la mienne, intérieure, chantait très haut.


Dehors, la pureté des fleurs d'amandiers forme un étrange contraste avec le brun fragile des feuilles de chênes qui tomberont bientôt pour laisser place à de nouvelles pousses.


Hier soir, retrouvailles avec J-M et G. autour d'un bon repas. Je les ai présentés à A. Le courant passe. Un nouveau cercle se forme. Je suis toujours ému et surpris d'avoir des amis qui m'aiment. L'air était à la joie et à la tendre complicité. Tout est bien.

mardi 26 février 2008

De vieilles connaissances.

Hier à midi, nous avons déjeuné avec C. La table ainsi formée avec A. et moi était assez intéressante.

En effet, C. aussi bien que moi avons été des amants de A., approximativement à la même époque. Alors que tout nous prédestinait à ne jamais nous revoir, ou en tout cas à nous détester cordialement, nous sommes devenus amis. Ainsi de vieux rivaux se retrouvaient ensemble, à partager un bon repas avec celui qui se trouvait au centre de la relation. On nous aurait prédit cela il y a trente cinq années et même un peu plus, nous n'y aurions jamais cru.


A. m'a dit avoir été très heureux de ces retrouvailles à trois, rien que tous les trois, sans aucun autre autour. Je n'avais pas compris sur le moment l'importance que cela pouvait revêtir pour lui: seulement nous trois, c'est la première fois que cela arrive et ce sera sans doute la dernière.

Quelques jours en Provence.

Je rentre à l'instant du restaurant. Ce séjour en Provence se passe admirablement bien.


J'avais dit à A. que je descendais à la condition que nous bougions, que nous profitions de nos journées pour visiter les environs et éventuellement pousser jusqu'à la mer. Le temps n'est pas très agréable, gris et tristounet, mais il ne pleut pas.


Hier, nous avons visité Gordes et l'abbaye de Sénanque. Nous sommes arrivés juste à temps pour la dernière visite guidée (obligatoire) chaperonnée par une femme très intéressante: non seulement ses explications étaient claires mais elles étaient aussi très bien documentées, dites avec l'accent de l'intérêt personnel porté au sujet et appuyées sur une connaissance assez grande du fait religieux. J'étais venu sur ce site il y a des années, sans pénétrer dans l'abbaye. J'avais déjà, à l'époque, ressenti l'atmosphère mystique du lieu, impression largement confirmée hier, où cette visite m'a profondément ému et où je me suis laissé imprégner par la spiritualité. J'ai également pris de nombreuses photos, que je rajouterai à ce billet une fois rentré à Lyon.


Aujourd'hui, nous avons mis le cap sur Fontaine de Vaucluse, qui, personnellement, ne me touche pas, et l'Isle-sur-la-Sorgue, joli bourg agrémenté de canaux, à l'allure très vivante, envahi de boutiques d'antiquaires et qui conserve tout de même la maison de René Char. Une grosse frayeur pendant la visite: suite à une fausse manoeuvre, j'ai cru irrémédiablement perdues toutes mes photos de Sénanque. En manipulant mon appareil ce matin, je n'avais tout simplement pas suffisamment enfoncé la carte et l'appareil fonctionnait en mémoire interne.


Ce soir, D., un très vieil ami de A. que, chose surprenante, je n'avais jamais rencontré pendant ces nombreuses années (je connais A. depuis 1970), nous a invités au restaurant près de chez lui. C'est un homme de près de soixante-dix ans, plein de malice et de vie avec qui il fait bon passer une soirée.

Seule ombre (vraiment?) au tableau: il ne me reste que peu de temps à consacrer à l'écriture de ces billets. Je ferai mieux de retour chez moi.

lundi 25 février 2008

Vie publique, vie privée et inversement.

Monsieur Raffarin, je crois que c'est lui, a prétendu que la réplique du président de la république au quidam qui refusait de se laisser toucher au salon de l'agriculture était d'une conversation privée à caractère viril.

Il faudra m'expliquer ce que veut dire privé quand on se trouve, président de la république, sous des dizaines de micros et de caméras, en un lieu où tout le monde sait que vous devez arriver et vous montrer (même brièvement, pas comme Chirac qui, lui, restait des heures). Ou alors j'ai manqué une étape. Sans doute a-t-on demandé au Conseil Constitutionnel de bien vouloir rassurer le vulgum pecus que nous sommes en le convainquant que les caméras installées un peu partout dans les grandes villes, et les moins grandes aussi d'ailleurs, ne portaient aucunement atteinte à sa vie publique, puisque la rue est depuis peu, comme chacun sait, le lieu privilégié de la vie privée. J'ai l'impression de ne pas être très clair, mais je me comprends.

Quant au caractère viril de la grossièreté, je ne suis pas d'accord. Je connais des hommes très bien élevés, putain de bordel de merde!

Vu, lu, entendu.

Entendu à la radio ce matin: un meurtre a été commis sur la frontière belgo-néerlandaise. Les polices se demandent à qui revient l'enquête, les indices ayant été trouvés sur le territoire belge et le cadavre enterré dans le sous-sol hollandais. Finalement, après étude de moult documents, cartes et cadastres, c'est aux bataves que revient le bébé. Et ceci ne semble pas être une histoire belge.

Lu la réplique de ce cher président à un quidam lors de l'inauguration du salon de l'agriculture à Paris. Certes le quidam ne s'était pas montré très bien élevé lui non plus, mais il faudra que l'on m'explique ce que je pourrai dire à un élève en traitant un autre de "sale con" dans la cour de récréation; après tout, il ne fera que suivre un illustre exemple. On peut sans doute parler aujourd'hui de déraison d'état!

Entendu l'attribution de l'oscar de la meilleure actrice à une petite française que personne ne connaissait il n'y a pas si longtemps. Mais qui les américains couronnent-ils? L'actrice Marion Cotillard ou le personnage de la mome Piaf? L'actrice leur étant sans doute inconnue, c'est plutôt Edith Piaf qu'ils ont voulu honorer.

dimanche 24 février 2008

Si le troisième m'était conté.

(Dauphiné)

Hier après-midi, j'avais l'intention de me remettre au tri commencé depuis longtemps dans mon appartement et jamais fini. Déjà de nombreuses objets et vêtements sont partis, aux bonnes œuvres ou à la poubelle selon leur état, mais il en reste encore trop.

Or devant le soleil éblouissant et la douceur de la température, je n'ai pas résisté longtemps: appareil en poche, je suis parti réaliser quelques photos, cette fois-ci dans le troisième arrondissement, le mien, jusqu'aux limites de Villeurbanne.

Ce quartier, lui aussi, est en profonde mutation ( mais lequel ne l'est pas à Lyon, en ce moment?), et l'on y trouve sans doute plus qu'ailleurs les traces de ce qu'ont été ce qu'on appelait autrefois les faubourgs mêlées aux constructions les plus futuristes et aux projets immobiliers les plus fous.

Heureusement, il semble se confirmer que les architectes actuels ont enfin compris que la beauté d'une construction est au moins aussi importante que sa fonctionnalité, et que cette beauté doit être accessible y compris aux non-initiés.( Je me souviens de mon ami A., un dominicain, s'évertuant à m'expliquer l'esthétique qu'il percevait dans chaque cellule du couvent Le Corbusier de la Tourette, près de Lyon, alors que moi, je n'y voyais que béton brut et exigüité. Seule la chapelle trouvait grâce à mes yeux.)

Voici quelques vues prise hier avec, quand je le pourrai, le commentaire idoine:

Un petit bout du chantier sur l'ancien emplacement des Ateliers de la Buire (Félix Faure/ Tchécoslovaques).


Juste en face,(Félix Faure)

subsistances d'un autre temps.( Félix faure)


Verre bleu. (Félix Faure)


Ancien fort dit de "Villeurbanne" occupé aujourd'hui par les services de police. ( Mouton-Duvernet) ( Tout près, le sinistrement célèbre Fort Montluc.)


Noeud gordien. (Mouton-Duvernet)


Bois, tradition, qualité. (Dauphiné)


Pour toi, ma poule. (Dauphiné)


Mur peint. ( Villebois-Mareuil)


Tout à côté. (idem)


Home, sweet home. ( idem)


Dans un genre différent. (Baraban)


Une rescapée. (Ste Anne)


Une troisième possibilité. (Paul Bert)

Ou encore ça, pour finir. (idem)

La valise.

Je viens de boucler ma valise. Une bonne chose de réglée! J'ai toujours un peu d'anxiété à la perspective de devoir le faire. Pourtant, après les nombreux voyages effectués avec mes élèves, je sais que cela ne me prend que peu de temps et que, l'idée ayant fait son chemin dans mon subconscient les heures, voire les jours précédents, je n'aurai pas beaucoup d'hésitation quant au choix de ce que j'emmènerai.

Je procède toujours dans le même ordre: pantalon, slips, chaussettes, mouchoirs, T-shirts ou chemises, pulls, pyjama, chaussures, linge et trousse de toilette, pharmacie de base (paracétamol et magnésium) et, s'il reste de la place, robe de chambre légère. Puis papiers, argent, chéquier et bien sûr, en dernier parce que je suis sûr de ne pas les oublier: les livres.

Alors pourquoi cette légère anxiété? Sans doute parce que le fait de faire sa valise concrétise l'idée, jusque là purement abstraite et donc non réelle, du départ. Et si j'aime être parti, je n'aime pas partir. A peu de choses près, cela se produit aussi chaque soir au moment du coucher. Je retarde, plus ou moins volontairement, l'instant où je devrai m'étendre. Et une fois au lit, j'aime être couché et je me sens bien.

L'idée de la chose est anxiogène (c'est peut-être un bien grand mot, mais je n'en trouve pas d'autres), la chose réalisée est source de plaisir. Les psychiâtres rapprocheraient sans doute cela de la peur de mourir, de partir, de s'endormir définitivement. Je ne suis pas psychiâtre et ne cherche pas à tout expliquer. Mais si leur interprétation est la bonne, j'espère alors avoir la même réaction ensuite, après mon dernier souffle, et me trouver bien là où je serai!

Pour l'instant, je suis sûr d'être bien demain là où je me rends: je rejoins mon très ancien ami A. à Avignon pour deux ou trois jours d'escapade dans le sud.

Trop-plein.

Nous venons de passer un dimanche en famille très agréable, chez mon frère. Bon repas, après-midi tranquille et ensoleillée. Pas de tiraillements, pas de gêne, rien que du bien-être.

Alors pourquoi, chaque fois, en les quittant, ai-je un immense besoin physique, une envie quasi maladive que quelqu'un me prenne dans ses bras et me serre très fort contre lui? Pas de besoin sexuel, non, simplement me sentir bien entre ces deux bras repliés sur moi.

Autrefois, je me précipitais dans les lieux appropriés en quête du premier venu . Aujourd'hui, je rentre chez moi, conservant ce trop-plein de tendresse ( ou d'angoisse) que justement la rencontre du premier venu n'a jamais réussi à calmer. Là dessus aussi, j'ai changé.

samedi 23 février 2008

Le moment "égoïste".

Puisque je viens d'ajouter un nouveau libellé, "Moi", à ma liste déjà longue, autant le nourrir immédiatement d'un autre billet plus personnel que ceux des derniers jours, au risque de tomber dans un exhibitionnisme qui, peut-être, fait aussi partie de ma personnalité.

Plusieurs conversations, ces derniers temps, aussi bien avec J. qu'avec F-J., ont tourné autour de la solitude, ou plus exactement du besoin de solitude que tous trois nous avons visiblement en commun, pour se ressourcer, pour être en adéquation avec soi-même.

A une collègue qui me demandait un soir après les cours pourquoi je ne faisais pas comme la plupart, pourquoi, une fois le travail fini, je ne rentrais pas tout de suite chez moi, j'avais répondu: "Je me re-cueille", non en m'adonnant à une quelconque méditation (quoique), mais en essayant de récupérer les morceaux de moi-même éparpillés dans la journée et en tentant d'en faire un tout acceptable et conforme à ce que je suis.

Cet éparpillement de soi est ( était, car j'ai maintenant dépassé ce stade), pour moi, un des aspects les plus pénibles du métier d'enseignant. Tout donner pendant nécessite de tenter de tout reprendre après, sinon ça ne durera pas longtemps. Le nombre de dépressions dans cette profession est, de ce point de vue-là, assez parlant.

Consacrer du temps à soi-même est donc indispensable si l'on veut aussi se consacrer aux autres de façon saine . Les gens qui n'osent pas dire non parfois peuvent-ils être véritablement eux-mêmes face à ceux qu'ils côtoient? Se restreindre mais donner le meilleur me semble préférable.

Et puis, pour ma part en tout cas, je ne peux pas faire autrement. Si une journée se passe sans que j'aie eu ce moment "égoïste", je deviens très vite agressif, désagréable et virulent en paroles. Quelques amis ou collègues en ont fait, à leur plus grande surprise , la douloureuse expérience. Ce moment est à moi, pas touche, sinon je mords. Et ceux qui, se fiant à mon air de gentil labrador (oui, F-J., d'épagneul, si tu veux, vu les oreilles!), n'y ont pas cru se sont fait mordre.

J'ai eu en main, au début de ma carrière, un texte de Camus (dont le thème général touchait au théâtre, si j'ai bonne mémoire) allant dans le même sens: si l'on veut rendre les autres heureux, il faut être heureux soi-même. Le moment "égoïste" semble une bonne façon d'y parvenir.

Temps mort.

- J'ai toujours peur d'être en retard.

Voilà ce que m'a dit ma mère hier soir.

Elle venait de finir de dîner, et, sans attendre, il fallait baisser les stores, enlever les bas de contention, vérifier si le lit était bien fait, changer des détails dans l'arrangement des draps, passer la chemise de nuit, remonter le réveil mécanique et placer le verre d'eau pour le cachet de 21h sur la table de nuit.

Il était 18h40. J'essayais de suivre les nouvelles sur FR3 et lui fis remarquer que nous avions tout le temps devant nous et que ce qui se disait à la télévision m'intéressait. Elle n'a pas tenu une minute avant de réitérer sa demande. Au bout d'un moment, j'en ai eu assez et lui ai reproché son côté "petite fille gâtée", rôle qu'il semble bien qu'elle ait jouer longtemps en privé avec mon père. C'est à ce moment qu'elle m'a fait cette réponse.

J'y ai repensé ensuite chez moi, dans la soirée, tant la répartie n'était pas banale. Ma mère aurait-elle toujours eu peur du temps mort? Dans ce cas, cela expliquerait l'évolution que je vois dans mon comportement: on me reproche parfois de ne pas cesser de bouger, d'agir, de m'occuper, et le reproche n'est pas gratuit.

Plus jeune, je savais ne rien faire, j'étais même un doux rêveur. Ma capacité de m'évader du monde qui m'entourait était telle que ma mère, en me surprenant dans ces moments d'absence, me demandait chaque fois si j'allais bien, si je n'étais pas malade. Aujourd'hui, je ne sais plus. Il faut que je sois occupé, ne serait-ce qu'à lire. L'enfer, pour moi, serait d'être condamné à rester allongé sur une plage, à ne rien faire de toute la journée.

Les responsabilités que l'on m'a très tôt mises sur le dos en tant qu'aîné tutorant ses frères et sœurs, puis, beaucoup plus tard, la maladie et la mort de Pierre, ont sans doute exaspéré cet aspect de moi qui aujourd'hui me gêne moi-même, parfois.

J'arrive heureusement peu à peu à profiter du moment présent sans plus avoir en tête la liste des choses qui restent à régler mais cela me demande un effort, et le mouvement recommence lorsque je reviens à mon naturel. Il faudrait que je me résigne à ne pas vouloir tout gérer, que je consente à ce que tous les fils ne soient pas dans mes mains, que sans doute j'accepte réellement de devoir mourir un jour.

vendredi 22 février 2008

Avec mon fidèle Passe-Partout.

Hier, pas un mot sur ce blog. Ca n'arrive pas souvent. Mais qu'est-ce qu'on peut être occupé pendant les vacances!


De plus, de coureur je deviens marcheur et accomplit le Tour de Lyon en Quatre-vingt Jours, accompagné de mon fidèle Passe-Partout,... euh je veux dire F-J. Il rouspète bien un peu de devoir m'attendre à chaque photo prise (et il y en a beaucoup!), mais je crois que c'est pour le principe, pour montrer qu'il est un homme, un vrai, et bon an mal an, nos promenades se passent plutôt bien, très bien même.


Hier, ce fut le Vieux-Lyon côté Saint-Georges, c'est à dire la partie la plus au sud de la vieille ville. Des trois quartiers, Saint Paul, Saint Jean et Saint Georges, c'est le seul qui ait gardé un peu de son authenticité originelle: toutes les façades ne sont pas ravalées, on n'y croise que peu de touristes et il y subsiste quelques petits commerces sans prétention pour des habitants sans prétention eux-mêmes. Je crains que cela ne dure pas très longtemps.



Surprise désagréable de découvrir que l'église du quartier est investie par les intégristes, sans doute avec la bénédiction de l'archevêque. A lire les affichages à l'intérieur, on ne peut guère se tromper. Certains, je trouve, distillent même la haine et la violence, ce qui est le comble dans une église.




Surprises agréables: à quelques minutes d'intervalle, retrouver une ancienne collègue d'allemand que j'ai beaucoup appréciée lors de ses remplacements chez nous et qui a depuis quitté l'enseignement, et une ancienne élève avec qui je suis resté à bavarder plus longtemps (mais là, F-J. ne piaffait pas!). Je me souvenais parfaitement d'elle: une élève atypique, pas très travailleuse, plutôt râleuse mais au caractère bien trempé (sans doute, la "tache de vin" qui lui ponctue la paupière inférieure de l'oeil gauche y est-elle pour quelque chose) et à l'habit hors de tout mode uniformisée. Et c'est dans ce domaine qu'elle s'est lancée: elle se prépare à devenir costumière de théâtre et a même un petit atelier de confection qu'elle m'a montré de l'extérieur, n'en ayant pas les clefs sur elle.


Ce qui m'a beaucoup touché, c'est qu'en me reconnaissant, elle m'ait demandé la permission de m'embrasser puis, lorsque son petit copain, visiblement tout aussi atypique qu'elle, est arrivé avec leur chien, qu'elle nous ait proposé sans plus de façon de venir prendre un thé chez elle. Si je n'avais pas eu rendez-vous avec J. quelques instants plus tard pour passer la soirée avec lui, je crois bien que j'aurais accepté. Je pense en tout cas repasser par son atelier, je le lui ai promis.

Ca ne vole pas bien loin.

Je viens de terminer la lecture des Cerfs-volants de Kaboul, de Khaled Hosseini.

J'ignorais, en l'achetant en poche il y a quelques mois, qu'il avait eu un immense succès, succès confirmé récemment par la sortie d'un film. C'est le livre que j'avais emporté avec moi et que je commençais à lire à la clinique la nuit de la mort de mon père. Je ne l'ai pas retouché pendant longtemps, jusqu'à ce qu'une collègue m'en reparle pour me dire qu'elle le trouvait extraordinaire.

Je ne partage pas tout à fait son avis. Bien sûr, comme beaucoup de romans écrits par des américains aujourd'hui, cela peut se lire avec plaisir, sans gêne en tout cas. Peut-être est-ce l'influence des ateliers d'écriture que beaucoup d'écrivains des Etats-Unis semblent fréquenter.

Mais, peut-être à cause de ces mêmes ateliers, on a affaire à une littérature totalement lisse, polie dans les deux sens du mot, c'est à dire sans aspérités et sans incongruité. Même les scènes les plus violentes de l'histoire, la lapidation d'un homme et d'une femme au stade, ou la bagarre avec un des chefs talibans par exemple, semblent avoir été passées à ce filtre-là: le littérairement correct.

De plus, les gentils sont très gentils, les méchants très méchants, et la rédemption du héros fait tellement rapidement peu de doute que l'on ne voit plus qu'une histoire destinée à tirer des larmes à Manon là où j'aurais aimé trouver une mise en romanesque un peu plus rude et proche de la réalité de la guerre en Afghanistan.
D'ailleurs la dernière partie du livre, la recherche de l'enfant dans les ruines de Kaboul et la fuite au Pakistan, m'a un peu irrité: on n'est plus très loin d'une écriture cinématographique, l'histoire est comme mise en images, et le héros se transforme un peu trop à mes yeux en une sorte d'Indiana invincible, en un James Bond qui, après l'épreuve obligatoire de nos jours de la dégelée monumentale, se remet très vite en selle et sort vainqueur de toutes les chausse-trappes.

En résumé, je comprends qu'un tel livre plaise au plus grand nombre, et ce n'est pas déshonorant.
Ce soir, je dors avec Berlin Alexanderplatz d'Alfred Döblin.

mercredi 20 février 2008

Truisme.

Un enfant, à l'école primaire, doit apprendre à lire, écrire et compter. Voilà ce que vient de découvrir un ministre, et pas n'importe lequel: le ministre de l'Education Nationale. Merci, Monsieur le Ministre. Vous en avez d'autres, des comme ça, qu'on rigole? Tiens, j'en perds mon français, moi!

Rangées.

Luxe, calme et volupté.

Incandescent.

Psychédélique Laocoon.

Rouge

Fournaise et solitude: l'Enfer?

Tendresse.

Ce soir, je voulais parler de la tendresse. Je suis devant cet écran depuis près d'une heure et je n'ai toujours pas écrit un mot. Je n'y parviens pas. Je ne sais pas comment aborder le sujet. C'est un aspect des rapports humains qui me touche beaucoup. Peut-être est-ce pour cela que je n'arrive pas à me lancer.

Je vois en ce moment des images fugaces: dans la rue, un couple de vieux qui se tient la main et conjugue ses progressions maladroites; dans la cour d'une école ou dans un jardin public, un petit garçon s'avançant vers une petite fille inconnue, ou l'inverse, ne voyant plus qu'elle et lui caressant doucement le visage d'un geste maladroit; au sortir d'une voiture, une mère qui relève l'écharpe de son petit écolier, ou un père tapotant la fesse enfantine en signe de bonne journée.

La tendresse des hommes me poigne encore davantage: plus bourrue, souvent plus fruste, elle est muette et brute et se montre si peu à qui ne sait observer.

Je sens aussi des doigts dans les miens, des doigts que je réchauffe ou qui me réchauffent, des doigts qui parlent et qui écoutent.

Et puis il y a les yeux et leur langage à eux, et là, il faut se taire car nul ne peut traduire la belle langue du silence.

D'ailleurs, je n'ai rien dit.

mardi 19 février 2008

Trou ..... de mémoire.


Ça me rappelle quelque chose mais quoi? SarlKKo, Sarlkko....voyons, réfléchissons! Léonidas, roi de Sparte, héros des Thermopyles. Roi, vous dites? Ah oui, le fait du prince alors! Je commence à y voir plus Clara, pardon: plus Claire, euh: plus clair.

Petite recette facile à réaliser

Comment concocter une journée heureuse? Rien de plus simple. Voici la recette, très facile à réaliser, si vous avez les ingrédients.

Le matin, lever pas trop tôt mais pas trop tard non plus, de façon à pouvoir faire des tas de choses. Passer finalement plus de temps que prévu à l'entretien de ses plantes, d'intérieur et d'extérieur: ôter les vieilles feuilles, couper les brindilles sèches, éclaircir certains pots, en déloger quelques escargots clandestins, tenter de se débarrasser de vilains parasites, découvrir presque ému les nouvelles pousses.

A midi, déjeuner avec J., tranquillement, avec du soleil dans les yeux, ce qui, peut-être le fait apparaitre derrière les nuages. Se montrer réciproquement nos séries de photos prises en Bourgogne samedi. Ne pas oublier, c'est très important, des bisous jusqu'à la voiture et un signe de la main. A demain, J. .

Partir courir au Parc en la charmante compagnie de F., la fille des amis de Pierre, ma voisine, faire un tour avec elle, puis deux seul dans la chaleur de l'après-midi, en sentant que son corps n'est pas rouillé.

Revenir juste à temps pour entendre la fin de l'émission musicale de Frédéric Lodéon sur France Inter et se dire, en buvant une verveine et en dégustant des cuillères de miel, que la vie est bien douce aujourd'hui et que même si la musique que l'on écoute, on pourrait, après avoir entendu les premières mesures, en prévoir toute la suite,eh bien on l'aime tout de même, cette musique, à ce moment-là.

Avant de rendre visite à sa mère, prendre une douche très chaude, y rester plus que d'habitude, se dire que tant pis pour les écologistes, mais c'est trop bon. Se laisser caresser, ou fouetter par le jet, sentir ses nerfs se détendre, ses muscles s'assouplir, avoir envie de s'endormir là, sous cette pluie d'eau chaude.

Et raconter tout cela, en robe de chambre, le soir, tous les volets fermés.

C'est aussi simple que cela, une journée de bonheur.

lundi 18 février 2008

A quelque chose Velo'v est tout de même bon.

Bilan pour aujourd'hui: une crevaison et l'oubli, dans le panier, de deux livres de poches, deux romans d'Erri De Luca que j'avais achetés quelques minutes auparavant, après avoir lu son texte proposé par Oceania: Une druse, texte extrait de Rez-de-chaussée que j'avais hautement ressenti.

Tout cela en allant photographier le quartier de Gerland, dans le 7° arrondissement, quartier longtemps resté à l'écart du développement de la cité, sombrant dans sa décrépitude, et qui, aujourd'hui, rattrappe le retard à grandes enjambées. En voici quelques clichés.


Pour vos petites pattes, mes anges.



Non, non, pas par là, par ici.



Tu l'as dit, Tony, quel fourbi!



Là, c'est mieux.


Est-ce Normale pour une Ecole de se nommer Supérieure?



Reflet du temps.



Temps du reflet?



Petit sourire.



Grand sourire.



Une fin en Technicolor.



Ou en noir et blanc.

Petit message personnel: le prix du fin limier à toi, S. , si tu trouves où chacune de ces photos a été prise. Pour certaines, c'est facile. Pour les autres, bon courage!