lundi 31 décembre 2007

In fine

Bonne année à tous.

(Je sais, j'ai plus d'une heure d'avance, mais je ne sais pas utiliser mon ordinateur et répondre au téléphone en même temps, et quelque chose me dit qu'il va se mettre à sonner tout à l'heure!)
Bises.

Un peu de "Bibêproré" pour bien finir l'année?

Bi(lans): médicaux surtout cette année, alors glissons....
(tisier) : ce blog contient 153 billets: l'embarras du choix!
Pro (jet): garder ma capacité d'émerveillement.
(solutions): aucune. je suis parfait comme ça, non?

Non, décidément, je n'aime pas m'arrêter pour faire le point. Faire le point, c'est souvent mettre un point final. Je me pose des questions à longueur de journée. Pourquoi rajouter un moment spécial pour les regrouper? Pourquoi le faire dans la période de l'année où l'on est le moins capable de raisonner sainement, où le manque de soleil, les journées trop courtes plombent notre moral, où les excès de table pour certains embrouillent légèrement la suite logique des idées.

Tiens, j'en ai une (idée): si, pour les bilans, nous adoptions l'ancien calendrier, celui des vieux romains. L'année commençait en mars (logique: avec le printemps, la remontée de la sève, le retour de la vie, de la pugnacité - Mars, dieu des combats). Le nom du mois de février vient de Februo, purifier: le mois de la purification. Si l'on veut nettoyer et ranger son placard mental, c'est le meilleur moment, il me semble.

Pour se rassurer?

Je suis toujours très curieux d'aller visiter mon ("tracker") traceur pour savoir qui passe par chez mon blog.

Un peu trop même, il va falloir que j'y veille. C'est une façon un peu absurde de se rassurer: mon "lectorat" est-il toujours fidèle? Quid novi sub sole? Mon "audience" augmente-t-elle? En fait, je sais bien que la plupart des visiteurs viennent par hasard ou pour de très mauvaises raisons. Il y a les inconditionnels, mais en très petit nombre. Tout de même, il est intéressant d'aller faire un tour dans ces statistiques.

D'abord pour le plaisir de la géographie: on se recrée son atlas mental à la lecture des pays d'origine des lecteurs. Pour moi, 17 différents: France, bien sûr, puis USA, Belgique, Canada, Royaume-Uni, Hongrie, Croatie, Allemagne, Arabie saoudite, Portugal, Moldavie, Maroc, Indonésie, Espagne, Bulgarie, Italie et Japon. Un beau voyage à travers les continents.

Après la géographie, la compétition (très stupide!): quel jour voit passer le plus de monde, quelle heure du jour, quelle semaine est la plus chargée?

Enfin, les mots-clefs. Bien sûr, le porno est omniprésent, mais je suis heureux que le premier à apparaître en importance dans ma liste soit Barbara.

F-J, à qui je disais l'existence de ce traceur, a eu une réaction assez violemment négative: il n'aime pas être suivi, ce que je comprends. Mais, lorsqu'il a vu de quoi réellement il était question, il était le premier à chercher à en savoir plus sur les visiteurs.

C'est un bon outil. A chacun de savoir le relativiser.

"Qu'un véritable ami est une douce chose."

Je voulais me coucher tôt: c'est encore raté. La mise en place des photos m'a pris quelque temps.

Je ne veux pas éteindre l'écran avant de dire combien j'apprécie J-M. Bien que nous connaissant depuis plus de vingt cinq ans (je n'ai pas envie de compter), c'est seulement récemment que nous avons entamé une relation plus profonde. J'ai toujours un grand plaisir à le voir, je le lui ai dit très sincèrement aujourd'hui (hier, puisqu'il est plus de minuit).

Certains le trouvent un peu superficiel, en tout cas peu stable professionnellement et sentimentalement, légèrement snob. Moi pas. J'apprécie sa culture, son humour et nous rions beaucoup ensemble (ce qui plaît moyennement à son compagnon actuel, qui croit toujours que nous nous moquons de lui, ce qui n'est pas vrai.). J'ai souvent pu constater sa générosité (cette fois-ci encore), et je l'admire pour cela aussi, moi qui suis parfois assez radin. Et puis il est plein de vie et pétillant de malice.

Pendant ce séjour, j'ai eu tout de même l'impression que quelque chose le chagrinait. Au bout de plusieurs allusions de sa part et devant une certaine mélancolie inhabituelle chez lui, je lui ai proposé de me parler: ça sert à ça, les amis.

Il m'a avoué que son voyage à Lyon lui faisait le plus grand bien, surtout seul, qu'il avait besoin de s'éloigner pour deux jours de son compagnon avec qui il s'était pris de bec la veille. Au-delà de l'anecdote, j'ai cru sentir qu'il se posait des questions sur l'avenir de cette relation et que cela l'insécurisait totalement, même si,oralement, il minimise le malaise. On ne raie pas impunément sept ans de sa vie!

De plus, son travail actuel, à très grosses responsabilités, lui pèse de plus en plus. Il rêve de se calmer, d'acquérir une petite maison et de se stabiliser: "Tu te rends compte, dans deux ans, j'ai cinquante ans!" A qui le dis-tu!


Bref, un J-M pas tout à fait dans son assiette. Je lui ai proposé de venir déjeuner dans ma famille, il n'a bien évidemment pas voulu, fidèle à sa pudeur coutumière. Je lui ai laissé les clefs de chez moi. Il a ainsi pu repartir quand il a voulu.

Affaire à suivre. Je ne laisserai personne me l'abîmer.

dimanche 30 décembre 2007

Les Grandes Découvertes

Bon d'accord, ce n'est pas l'Amérique, mais j'ai découvert ce matin, tout seul, comme un grand, comment on pouvait insérer des photos dans un blog. Vous avez dû vous en rendre compte. Seul le temps qui m'a manqué (je devais rejoindre ma mère pour le repas) m'a empêché de finir de rédiger les billets de ce matin. Ce soir, je me lance.

Vous allez penser: ce n'est pas bien sorcier. Il suffit de ... et de ... Il suffit, mais lorsqu'on est, comme moi, un néophyte, la magie commence aux touches du clavier. Et, quand on découvre quelque chose tout seul, on est content. Pardon: quand je découvre quelque chose tout seul, je suis content.

Comme en plus, hier, j'étais tout heureux des photos prises pendant la balade avec J-M, je crois bien que je vais vous faire partager ma joie en vous en présentant quelques-unes. Et, comme vous savez maintenant que je ne suis jamais vraiment sûr de moi, n'hésitez pas: faites des commentaires! Et soyez indulgents pour une "mise en page" encore un peu incertaine.

Une autre vue du glacier.

La Saône, vers le sud

La Saône, vers le nord

La Saône, encore

L'oeil était dans la...

Quais du Rhône, by night

La Grand Poste et le Mémorial Arménien

Pour ceux qui se sentent un peu submergés par ce déluge de clichés.

P.S: Si ça intéresse quelqu'un, je rajoute quelques photos aux billets Je mets mes pas dans les pas de SON père, Niaiseries, Bonne journée, Douce nuit, Question sans réponse., La(les) boule(s), C'est en saignant..., Si la photo est bonne, Dis-moi ce que tu plantes, Soeurs humaines, Chutes et bobos, Gamins, Fête des lumières. Et pour ceux qui se plaignent, attention: j'ai encore du stock!

Presqu'île et sudation.




Nous retraversons la Saône pour longer Bellecour et Antonin Poncet, où le clocher de la Charité, seul reste d'un ancien hôpital, est maintenant flanqué du Mémorial Arménien. La juxtaposition de ces deux styles architecturaux, l'un classique, l'autre résolument moderne et minimaliste, me semble intéressante la nuit, avec un éclairage approprié. Je ne suis pas sûr que, à la lumière du jour, l'effet soit le même.





La nuit est vite tombée. Nous rentrons pour déguster une délicieuse pâtisserie, encore offerte par J-M, et nous nous préparons pour gagner le lieu où nous passerons une partie de la soirée: le hammam des Emeraudes, à la limite entre Lyon et Villeurbanne.

Je suis par le passé allé plusieurs fois dans ce hammam et j'apprécie beaucoup sa propreté, son authenticité et l'accueil délicat et chaleureux qu'on nous y réserve. La dernière fois, c'était déjà avec J-M, en Septembre, le premier jour du Ramadan. Nous étions trois clients.

Hier soir, c'était une toute autre chanson: beaucoup de monde. Nous aurons un vestiaire pour deux. Malgré une vue provisoirement déficiente (je dois laisser mes lunettes au vestiaire), je me rends vite compte que parmi tous ces hommes, certains paraissent fort intéressants, quant à la silhouette en tout cas, et à la chute de reins, et ne viennent pas pour perdre des kilos, vus les torses divins qu'ils présentent, dont quelques-uns affichent même une toison agréablement fournie.

Mais chut, sage! Ce n'est pas un sauna homo, c'est un vrai hammam. On n'y vient pas pour draguer, mais pour transpirer, décrasser sa peau et se délasser. Ce que je fais avec plaisir, sans oublier toutefois de mater tout ce qui passe d'intéressant dans mon champ de vision.

Quand le masseur me prend en main, je regrette que ce ne soit pas son collègue, plus jeune, qui me réserve ses "caresses", mais, à la pratique, celui-là est plus efficace, sauf qu'après le récurage avec le gant de crin, j'ai la moitié de la peau du dos qui part avec l'eau du bain! Je vais me souvenir pendant quelques jours de ce massage énergique, et de cette agréable soirée qui se termine au vestiaire, où J-M et moi, vue l'exigüité des lieux, devons attendre que trois jeunes hommes aient fini de se rhabiller.

Après la peau, c'est l'oeil que je me rince: deux sur les trois sont splendides et ne semblent pas vraiment pressés d'enfiler leurs vêtements de ville. Ils s'excusent de ne pas aller plus vite. Surtout pas, messieurs, prenez tout votre temps. J'ai devant moi une moitié de fesse musclée dont le propriétaire ne s'est pas aperçu qu'elle s'était échappée de son slip, et pour ce point de vue, je veux bien perdre encore quelques secondes. Pas trop tout de même car je sens au bout de mes doigts des fourmillements qui n'annoncent rien de bon (ou quelque chose de trop bon!)

Quand nous ressortons, l'air est humide mais doux, prolongeant ainsi l'atmosphère de ce hammam où, c'est sûr, je retournerai.

D'un fleuve l'autre



Hier, J-M a fini par arriver (en retard) à destination, après avoir raté son train et pris sa voiture. Le repas était réussi, et mon premier rôti de porc excellent.



Attention, J.: ta côte de boeuf au four n'a qu'à bien se tenir!

Malgré une certaine fatigue des deux côtés, nous décidons de ne pas nous laisser aller et nous voilà partis en ville, direction Virgin où il veut s'acheter des livres sur la navigation. Au passage, nous nous arrêtons au Vieux Campeur, et c'est moi qui, sans l'avoir du tout prévu, ressors avec un cadeau de J-M: un magnifique chapeau qui me va comme un (gant)... chapeau. En plus, ils avaient ma taille (61), ce qui est plutôt rare.

Aucun achat à Virgin: trop de monde. Je propose une promenade sur les quais de Saône, suite logique de celle, très agréable, sur les quais du Rhône avec F-J. Et je sors l'appareil photos. Heureusement, J-M est patient. Mais le résultat me plaît, en particulier celle-ci, prise devant un célèbre glacier de Lyon. Les couleurs sont les couleurs réelles, je n'ai rien modifié. On dirait un décor onirique, tout droit sorti d'un rêve d'Alice au Pays des Merveilles

samedi 29 décembre 2007

Question sans réponse

Je n'ai jamais compris comment on peut s'intéresser à moi.

Je ne parle pas du boulot: là, je sais ce que je suis capable et incapable de faire. Mais dans ma vie privée? Trente trois ans avec Pierre, comment est-ce possible? Et mes amis, et tous les autres? Ce que j'écris aujourd'hui n'appelle surtout pas de réponse, je ne cherche pas à ce qu'on me rassure, cela ne servirait à rien.

Je doute de moi depuis toujours et le cache sans doute si bien que peu de gens s'en aperçoivent, ceux qui me sont le plus proches et vers qui, parfois, je laisse un peu de vapeur s'échapper de la cocotte. Je suis toujours prêt à admirer les qualités de ceux que je rencontre, à vouloir parfois les imiter, bêtement, à les parer de toutes les vertus, quitte à rapidement déchanter: on ne peut être soi et un autre à la fois. Soi est unique, l'autre aussi, Dieu merci.


A moi, je ne fais que peu confiance. Il y a des jours où je me sens vide, simple spectateur d'une pièce qui se joue devant moi et où je tiens un rôle sans vraiment y croire. Pourquoi? La réponse est sans doute au fin fond de l'enfance... mais je ne veux pas parler de ma mère ici. Je n'arrive plus à être objectif avec elle en ce moment.

Et puis, ça repart. Pourquoi? Mystère. Je ne suis pas plus rassuré sur mon compte, mais il y a une pulsion, une énergie qui me propulse en avant. Je suis incapable de ne rien faire pendant très longtemps: ça me stresse trop. Il faut que je bouge, que je m'enthousiasme, que je crie merci, que je pleure de joie, que j'avance, même sans comprendre pourquoi on aime ce que je suis.

Mais moi, j'aime l'autre, j'aime aller à sa rencontre, le découvrir, dépasser ma timidité pour tenter le plus possible d'être vrai, de ne pas m'imposer, de ne pas jouer. Frères humains...

Je ne sais pas pourquoi j'écris tout ça. Nuit trop courte, sans doute.
Mais il faut que je surveille le repas que je prépare pour J-M. Et ça, c'est du concret.

Insomnie

Je ne dors pas. Je n'ai pas sommeil.

J'étais chez toi, à lire. Après les pouces serrés dans la paume de la main, je reconnais mon incapacité à me coucher tôt et ma propension aux bruits intempestifs.
Bonne nuit.

vendredi 28 décembre 2007

Mosaïque

Journée mosaïque, tendance couleurs claires.

Levé tôt: Maria vient repasser, et j'aime bavarder avec elle. Mais impossible aujourd'hui : elle a un affreux rhume. Je lui propose de rentrer chez elle, elle refuse: elle sait que je vais m'absenter quelques jours et veut absolument que tout mon linge soit repassé. Comme si je n'avais pas suffisamment de chemises, T-shirts,... Cela me touche beaucoup. Depuis la mort de Pierre, elle me surprotège, mine de rien, en le cachant bien derrière sa pudeur de femme espagnole.

Ensuite, diverses démarches avec les banques de mes parents. Je traîne ces casseroles depuis trop longtemps. Ce matin, je décide de me jeter à l'eau: il faut finir. J'ai peur que cela ne prenne plusieurs jours. En quelques coups de téléphone et quelques mails, c'est pratiquement tout réglé. Je n'en reviens pas. Je remarque que ce que qui se dit ne tient pas de la légende: les stéphanois que j'ai contactés sont cent fois plus sympathiques que leurs collègues lyonnais.

Courses dans le supermarché du coin. Au moment où je commence à surfer entre les rayons, mon portable se manifeste: c'est J. qui a une heure devant lui. Il est à la Part-Dieu, tout près. Je fonce, arrive à une caisse presque libre. Chance inouïe! Non, le boîtier de lecture des cartes bleues se coince pour la cliente juste avant moi. Je piaffe, à la limite de la politesse. Je cours, je vois passer J. en voiture, il ne me voit pas, je cours autour de la place, il finit par me remarquer, je suis en nage (et là, ce n'est pas lui qui me fait cet effet!). Belle surprise que sa visite aujourd'hui, même courte, même (presque) sage.

Après-midi, gare de la Part-Dieu. Là encore chance: beaucoup de monde, mais ça avance vite. J. m'avait suggéré d'acheter via internet, mais j'aime voir les gens, bugne à bugne. La jeune femme au guichet est très sympathique. Pourquoi, avec certains, le courant passe-t-il tout de suite? Je lui demande un aller-retour pour Aix-les-bains, elle veut m'envoyer à Aix-en-Provence, et nous commençons à plaisanter. J'ai sans doute été sa récré de la journée.

Détour par le centre commercial. A la Fnac, je reste trente secondes avant de fuir la foule (au moins 50 personnes devant chaque caisse). J'achèterai mes livres chez Decitre, qui a finalement décidé de redonner des sacs plastique pour les fêtes de fin d'année. C'est sans doute parce que la couche d'ozone est en train de se reconstituer...

La fin d'après-midi: habituelle.
Ce soir, coups de fil de F-J, qui paufine la présentation de son blog, et de J-M, qui finalement sera là demain à midi.

Pour les musiques vespérales, même tendance "éclatée":
- Narcis Casanoves Bertran, Responsoris de Nadal. (Escolania de Montserrat)
- Hildebrandston, chansonniers allemands du XV° siècle. (Ferrara Ensemble)
- Joseph Canteloube, Chants d'Auvergne. (J-C. Casadesus)

La langue et le fromage.

Oyez, oyez ( ouïssez, ouïssez, devrais-je dire!), braves gens, une nouveauté dans la bouche des nullissimes qui nous tiennent parfois lieu de journalistes ( je ne parle pas de leurs compétences de baroudeurs, d'enquêteurs, d'intervieweurs... mais de leur incompétence grandissante à aligner correctement deux mots de français).

Un petit malin, pour parler du retour en France des condamnés de l'Arche de Zoé, a dû trouver que "transfert" était trop commun. Alors, il a cherché, il s'est souvenu qu'autrefois, sur une autre galaxie, son vieux prof de français lui recommandait toujours d'aller consulter le dictionnaire, il l'a fait et a trouvé "transfèrement".

Alléluia: il la tenait,sa façon de se singulariser à peu de frais. Et bien sûr, dans la journée, ça a fait tache d'encre, non pardon: tache d'huile. Il n'est plus question à la radio, à la télé, et ailleurs, que de "transfèrement". Ah! le beau mot. Comme il fleure bon selon eux. Comme il pue la préciosité selon moi. ( A noter, sans cuistrerie aucune, que fleurer vient du latin flatare, souffler, qui a aussi donné flatulence!)

Dans le dictionnaire, à côté de "transfèrement", il y a rare. Ce qui peut se traduire par quasiment obsolète( mot qui eut, il n'y a pas longtemps son heure de gloire avant de retomber dans l'oubli.) En plus, comme musicalité, pardonnez-moi, mais c'est à chier. Je propose, dans la même lignée, "l'inhumement" de Benazir Bhutto, le "reportement" de la libération des otages en Colombie, le "Français-je-vous-mens" de Sarkozy (quoique, là, on peut discuter).

Moi, ce qui me plaît dans la langue française, c'est son fumet terrien, ses allures campagnardes, ses deux pieds dans la glaise, solide et fière, belle mais simple, la langue de Maupassant, celle qui glisse dans la bouche comme un de nos fromages en fin de repas, celle qui sent la bonne sueur juste d'après l'effort. Ce n'est pas une grande coquette qui tient à être rare, c'est une brave fille des rues, fille d'un peuple cultivé, fille de la culture pluricentenaire de ce peuple qui parle en phrases courtes mais précises.

Alors, n'allez pas la pasteuriser elle aussi. Bruxelles ne l'a même pas demandé!

jeudi 27 décembre 2007

Je mets mes pas dans les pas de SON père.

Il fallait bien fêter ça. Alors F-J est venu déjeuner chez moi, après sa nuit blanche due aux affres de sa nouvelle paternité. Il a laissé bébé-blog seul et m'a rejoint .

Repas léger. "Fais-moi des légumes!". Parfait, ça me convient : salade verte (toujours la même, achetée au marché, à un petit producteur, et qui se conserve la semaine), carottes vapeur et blanc de poulet sans matière grasse. Pas d'apéritif, pas de vin: un repas de moine. Seul petit écart à la règle monacale: café bien serré et papillotes et, pour lui, quelques cigarettes roulées et fumées sur le balcon.

Ensuite, grande promenade de 2h30 à pied à travers la ville. ( Après mes 12 kms de course ce matin dans mon nouvel équipement bien chaud, c'est honorable.)

En descendant Gambetta, j'avais les mains dans les poches.


La piscine du Rhône


Arrivés au Rhône, nous avons pris la direction de Gerland et du nouveau parc. Je n'avais jamais fait ce trajet à pied. J'avais emporté mon appareil photos, comme presque toujours maintenant. J'en ai usé et abusé, d'une nouvelle manière: suite à ma chute du 8 Décembre, le zoom est légèrement voilé et peut masquer de noir un coin de la photo. Mais J. a remarqué qu'en le tenant à l'envers (le bas vers le haut), cet inconvénient disparait. En plus, cela me convient mieux pour le manipuler ( est-ce parce que je suis un gaucher contrarié?).

Le Rhône


Photos donc le long des berges. Temps brumeux mais assez doux, lumière douce d'hiver, toutes les nuances de gris dans le ciel nuageux et parfois ( mirage?) un semblant de bleu pâle. Cela m'a rappelé mon voyage aux Pays-Bas, il y a des années. Je venais d'acquérir mon Réflex et mitraillais les canaux d'Amsterdam et le reflet de leurs maisons à haut pignon dans l'eau (quand ils n'étaient pas envahis par les lentilles d'eau). Je me souviens de deux vélos "enlacés", appuyés contre une rambarde de fer: cette photo était très belle. Où est-elle?

Deux copines


Nous avons parlé, mais finalement assez peu, de tout et de rien, marchant d'un bon pas, contents d'être là, de n'avoir rien d'autre à faire que marcher et, pour ma part en tout cas, de profiter de la présence amicale de l'autre. Et puis je suis rentré, par Gambetta, pour rejoindre ma mère à la clinique.

La mouette


Ce soir, j'écoute le Magnificat, de Bach (BWV 243), direction Philippe Herreweghe.

Le blog nouveau est arrivé.

On l'avait pressenti il y a quelque temps, on le sentait arriver, quelque chose, une vibration, un souffle, un rien, semblait dire qu'il n'allait pas tarder. Eh bien, il est né.

Non, pas le divin enfant: là, j'aurais du retard sur l'actualité. Je parle du blog de F-J. Oui, ça y est, on nage en plein Temps Modernes ( et toujours sans Paulette Goddard, hélas!)

Ne cherchez pas, vous ne trouverez pas les références. En tant que parrain du nouveau-né, je suis le seul à savoir, le seul à lire, le seul à commenter (sauf F-J qui m'oblige à revenir sur mes déclarations concernant son QI, quand je vois qu'il se commente lui-même!), le seul à savourer en grand égoïste.

L'enfant, né hier soir, est beau, coloré, déjà nettement marqué hétéro (nul n'est parfait!), et ressemble à son papa. Ce dernier était anxieux ce matin : il n'avait pas dormi de la nuit. Forcément, c'est un grand pas en avant. Qu'allait-on en penser?" Tu sais, j'aurais voulu faire...; je n'ai pas pu faire...; si tu lis, tu verras, c'est dérisoire, lamentable..." Tout pour se faire complimenter, quoi!

Bon, d'accord, c'est assez bien troussé, mais on jugera sur la durée. Pas trop d'enthousiasme tout de suite: F-J trouverait ça bizarre de ma part. En tout cas, je suis heureux pour lui (et pour moi qui vais pouvoir assouvir mes bas instincts de voyeur invétéré sur une autre victime de mes lectures vespérales.) Allez, bonne route, F-J.

Mais, chut! Qu'est-ce que c'est? J'entends du bruit. Bébé qui pleure? Il ne dort pas? Il a faim. Je vais voir...

Avaler la pilule.

28 décembre 1967 : la loi sur la contraception passe.

Je m'en souviens, principalement parce que c'était Neuwirth, député de la Loire, où j'habitais alors, qui soutenait ce projet.

C'est sans doute un de mes premiers souvenirs "de société", avec, quelques années plus tôt (63), les morts, naturelles ou pas, de Kennedy et Jean XXIII , en 68 celle de Luther King et quelques "flashs" de la campagne présidentielle de De Gaulle en 65 sur écran de télévision noir et blanc.

Je m'ouvrais au monde, en même temps qu'à la sexualité adulte. J'avais quinze ans.

C'est cette pilule-là qui, parfois, me semble plus difficile à avaler.

Tu es venu.

Tu es venu. Tu as comblé mon désir de toi . Je garde ton odeur ce soir, sur mes mains et dans mes draps jaunes. Demain matin, je mettrai ton cadeau pour courrir. Il me tiendra chaud, comme toi.

Ma main, tu l'as tenue à la veillée de Noël. Tu sais ce que représente le Notre Père pour moi. Je n'ai pas pu empêcher mes larmes. J'ai été si heureux de chanter avec toi.

Qui a dit qu'il faisait gris aujourd'hui? Cari, carillonne,...

mercredi 26 décembre 2007

Traces

En rangeant, en triant, en jetant encore une fois, j'ai trouvé un mot écrit à Pierre par une de ses amies les plus proches.

La date n'apparaît nulle part, mais cela pourrait parler de bien des jours de leurs fins d'existences respectives. Voici le texte qu'elle lui écrivait. Je n'ai pas l'impression de trahir qui que ce soit, puisque cette amie est morte, elle aussi d'un cancer, quelques mois avant Pierre.

Pierre, bonjour.
Devant les coups qui t'atteignent, que peut-on? Toute parole devient vaine, mais le silence peut être indifférence. Alors, tu sais que je porte avec toi ce fardeau lourd de l'incompréhensible, de l'inacceptable.
Tu connais sans doute ce dialogue d'un croyant avec son Seigneur. Se retournant sur sa vie, il voit une trace dans le sable. Parfois la trace est celle de deux marcheurs côte à côte, parfois il ne reste qu'une trace, une seule.
- Que sont ces pas dans le sable?
- Les nôtres, dit le Seigneur.
- Pourquoi une seule trace parfois?
- Ce sont les jours où je t'ai porté.
Puisses-tu te sentir porté. Je t'embrasse. A dimanche au téléphone. A.

La carte postale montre un cadran solaire.

Façon de parler.

F-J qui, comme je l'ai déjà dit, a oublié d'être stupide m'a fait remarqué un tic de langage assez répandu.

Lorsque l'on parle avec un peu de compassion de quelqu'un qui vient de mourir autour de la soixantaine (dans quelques temps, il faudra que je rallonge un peu la sauce. Merci le gouvernement), on dit: "Le pauvre, à un an de la retraite!" au lieu de "A cinquante neuf ans de sa naissance."

C'est la principe du verre à moitié plein ou à moitié vide, mais pourquoi toujours le côté négatif, ce qui manque et pas ce qui a été vécu ? Les mecs ou les femmes que je n'ai jamais eu(e)s, et pas tout le bonheur que j'ai ressenti en caressant la peau des autres ? Serions-nous d'éternels frustrés insatisfaits, ou bien aimerions-nous à chaque occasion qui s'en présente tenir le rôle ô combien narcissique des pleureuses antiques?

Profondément, je n'ai pas ce défaut. A la mort de Pierre, j'ai dit merci (à qui? A lui.) pour les trente-trois ans de vie commune, pour la chance immense que j'ai eue dans ma vie d'aimer et d'être aimé en retour. Et je continue à m'en émerveiller.

Gris

Temps gris. Je n'ai envie de rien, sauf de toi.

Re-niaiseries

Je ne suis toujours pas au lit.
Je trouve dommage que l'on empêche les enfants de croire au Père Noël. C'est ça, le pire.

mardi 25 décembre 2007

Niaiseries

Rien qu'à lire le titre de ce billet, on aura deviné que je vais encore déverser ma mauvaise humeur dans les lignes qui vont suivre.

Non, pas ma mauvaise humeur: je suis de bonne humeur. Alors, j'en profite pour dénoncer ce qui, dans le vaste monde qui m'entoure, ne va pas comme j'aimerais que cela aille, toute modestie mise à part.

J'ai dit que nous avions fait une longue promenade en famille cet après-midi. Je me suis amusé à compter le nombre de Père Noël escaladant fenêtres et balcons, avec ou sans hotte, accompagnés ou non des rennes fidèles.

Effarant! Il y en a des centaines, parfois cinq sur la façade d'un même immeuble. Et, en général, cela ne s'arrête pas là. On donne dans la surenchère, on veut absolument avoir le plus beau balcon, le plus décoré, le plus scintillant, celui que l'on aperçoit du plus loin la nuit.

Alors, allons-y gaiement: on rajoute quelques échelles lumineuses par ci, quelques montgolfières rouge et or par là, du gui, du sapin, du houx, bien sûr, des boules, des étoiles, des oursons, des dauphins (qu'est-ce qu'ils font là, ceux-là?), des sorcières (recyclées de feu Halloween), des vieillards à la bonne trogne rougeaude, des guirlandes plus dorées les unes que les autres et, comme cela ne suffit pas, que l'on a sans doute peur que le passant ne comprenne pas que c'est Noël, on saupoudre aussi ses vitres de neige artificielle et dans la poussière de givre, on lui précise les choses, au passant: "Joyeux Noël", "Bonnes Fêtes" "Merry Christmas", etc, etc. Il faut vraiment être demeuré pour ne pas comprendre le message.


Sauf que, Messieurs les accros de la mièvrerie, de la niaiserie, du ridicule, du tout-sucré, du regardez-comme-j'aime-mes-enfants-et-comme-je-les-gâte-pour-Noël, Messieurs les censeurs qui effacent des contes de Perrault toute fin trop réaliste, Messieurs les vendeurs de n'importe quoi à une jeunesse en manque de repères, Messieurs les profiteurs qui s'autoproclament écrivains pour l'enfance parce qu'ils pondent(et l'on sait par quel orifice sort un oeuf) chaque année deux ou trois "romans" suivant à la trace les programmes de l'Education Nationale, Messieurs les....Mais je m'énerve là, il fallait s'y attendre.

Le message de Noël, ce n'est pas celui-ci. Le message de Noël, moi, je l'ai trouvé hier, dans la voix d'un enfant à la messe, dans son sérieux, sa détermination à prononcer correctement des mots pourtant difficiles pour son âge et dans la foi qu'il y mettait. Et il n'y a eu besoin pour celà que de quelques secondes, et de rien d'autre que de la Bonne Volonté. Un enfant peut être émerveillé, et nous émerveiller, par autre chose que des paillettes.

Mais, pour être honnête jusqu'au bout, je dois rajouter que ma mère, elle, trouve ces Père Noël esaladant les façades très ... jolis.

Bonne journée.

Ma soeur avait préparé un bon repas à midi, trop copieux à mon goût, mais bon, "c'est Noël".

Je suis même allé pour fêter ça jusqu'à boire apéritif et vin. En deux jours, quatre verres de vin, une coupe de Crémant et un pastis: je sombre dans l'alcoolisme! C'est vrai que je n'aime plus la lourdeur que cela occasionne, comme je n'aime plus passer plusieurs heures à table (ce qui n'a pas été le cas pour ce Noël). Demain, c'est promis, je cours.

Après la sieste (qui, le dimanche, devient quasiment une institution), pour retrouver un peu de dynamisme, nous sommes sortis nous promener, avec ma mère bien emmitouflée dans son grand manteau, ma soeur choisissant l'itinéraire, moi poussant le fauteuil roulant. Autant au début le regard des passants sur ma mère me gênait, autant je ne le vois plus aujourd'hui. D'ailleurs, cet après-midi, malgré le soleil et le temps froid mais sec, il n'y avait pas grand monde dans les rues.

J'ai été surpris par la bonne connaissance du quartier que semble avoir ma soeur, et par ce quartier lui-même que je croyais très majoritairement composé de barres d'immeubles et de sites industriels plus ou moins en fin de parcours. Je suis à Lyon depuis plus de 35 ans et je ne connais encore pas tout!

En fait, en passant par des chemins cachés, par des impasses, en longeant des murs et des aires de jeux pour enfants, on découvre un tout autre visage à ce bout de 8° arrondissement. Les rues que nous avons empruntées étaient bordées de petites villas du début du siècle, avec leur morceau de terrain et leur vieux cerisier, leur pelouse abimée par l'hiver, leur table et leurs chaises de jardin rangées sous le balcon qui cours contre la façade principale, à côté de quelques rondins de bois entassés pour les "petites flambées", aux murs crépis affichant parfois le nom du domicile: "Chez nous", "Ma Cabane", "Mon Rêve", ou autre dénomination tout aussi peu originale mais émouvante car vestige d'un autre art de vivre, certaines modestes, d'autres plus prétentieuses, toutes menacées par l'urbanisation galopante.

J'ai photographié l'une ou l'autre de ces façades, particulièrement les bandeaux de céramiques polychromes qui décorent le sommet de quelques portes et fenêtres, dans le style Art Déco pour la plupart.




Nous avons poussé l'expédition jusqu'à l'ancien cimetière de la Guillotière puis nous sommes rentrés en empruntant le même chemin car, une fois le soleil bas sur l'horizon, la température se rafraîchissait rapidement et ma mère, tout aussi rapidement, retrouvait sa face "nuageuse" des mauvais moments. Nous avons terminé l'après-midi par une bonne partie de Scrabble (que j'ai gagnée!).

Bonne journée, oui. Mais dans un coin de ma tête, à un moment, est apparu un petit message lancinant, me disant qu'un Noël en famille, c'est bien, mais qu'une famille à trois, c'est pas beaucoup, que l'an dernier, il y avait encore mon père, et que mon frère était sans doute en train de retrouver en ce moment précis les inconvénients des lendemains de chimio (pensée confirmée par le coup de fil que je viens de lui passer).

Mais bonne journée tout de même. Je l'ai déjà dit: je ne suis pas le plus à plaindre.

lundi 24 décembre 2007

Douce nuit.

Ce soir, ce sera simplement un tout petit billet.

Je rentre de la messe de la veillée de Noël, j'étais avec J. et sa famille. Nous avons dîner ensemble, j'ai fait la connaissance de sa fille aînée, la seule que je ne connaissais pas, et il m'a ramené chez moi.

Je suis bien.

Je vais aller protéger tout ça sous mes couvertures, avec mon bouquin.

Bonne nuit.


dimanche 23 décembre 2007

Peignabeux.

Hier, je l'ai dit, j'ai écouté, en tapant mes billets, La Petite Messe Solennelle de Rossini.

En fait, je l'ai entendue deux fois, dans deux enregistrements différents: celui du Rias-Kammerchor dirigé par Marcus Creed, enregistré en mai 2000 à la Jesus-Christus-Kirche de Berlin-Dahlem, et celui du Diapason de Lyon dirigé par Bernard Tétu, enregistré en juin 1997 à la Chapelle du lycée Saint-Marc à Lyon.

Cette dernière version me tient particulièrement à coeur puisque faisait partie des choristes mon ami J-M H., décédé aujourd'hui d'une leucémie foudroyante.

J-M était issu du peuple, avait en poche un CAP de chaudronnier et avait peu à peu fait fructifier ses "talents" jusqu'à devenir directeur intérimaire d'un des plus grands et plus cotés établissements techniques de Lyon, avant de se retrouver chez nous avec le poste de directeur adjoint, en fait occupant de facto celui de directeur tout court, vue la nullité de la directrice en titre.

J-M a tenu ce poste à peine deux ans avant que la maladie ne l'emporte et, en deux ans, il m'est devenu indispensable, comme peu d'êtres me l'ont été.

Profondément chrétien, sans rien d'ostentatoire, il m'a fait avancer dans la voie de la "réconciliation". Profondément humain, il a marqué quelques centaines d'élèves, particulièrement les plus difficiles, peu habitués à ce qu'on les écoute et surtout à ce qu'on leur parle de la façon dont il s'adressait à eux, sans démagogie, sans faiblesse, mais avec une grande humanité et un sens de la justice sans faille.

Profondément musicien, il me faisait partager ses enthousiasmes. Issus tous deux d'un milieu populaire, nous avions des choses à nous raconter, des valeurs que nous partagions, même si plus de dix ans nous séparaient. Il m'avait surnommé affectueusement "Peignabeux", ce que j'ai mis un certain temps à décomposer en "Peigne-à-boeufs".

J'ai failli manqué sa dernière apparition au collège, peu de temps avant sa mort. Il me tournait le dos. Je ne l'ai pas reconnu dans ce vieillard pâle et entièrement chauve, lui, autrefois solide gaillard au tempérament sanguin. Quand on m'a prévenu, je n'ai eu que le temps de courir à travers le parc pour rattraper sa voiture qui s'en allait. Il m'a vu, a ouvert la vitre, nous nous sommes embrassés sans un mot, avec une tendresse immense. Je ne l'ai plus revu vivant. Comme me l'a dit un de mes vieux collègues, j'avais été son "fils adoptif".

L'année précédente, avant que le CD soit disponible, il m'avait offert en cassette audio l'enregistrement de la Messe de Rossini, cassette que j'avais emportée à B., à la maison de campagne dans le Chablais. Longtemps après la mort de J-M, alors que nous y séjournions et que Pierre était au premier étage dans sa chambre, il me dit: "Ecoute!", et, du bas, de la cuisine où je traînais sans doute pour retarder l'instant du coucher, j'entendis les premières notes à l'harmonium, si vives, si fraîches. C'est seulement ce soir-là, en écoutant cette musique, que j'ai réellement compris que J-M était mort, pour toujours. Parfois, je ne suis pas très rapide.

Aujourd'hui, j'ai écouté L'oratorio de Noël de Bach (Peter Schreier)- l'époque s'y prête- et des airs de Mozart interprétés par Térésa Stich-Randall.

Sarkozy au Latran


Grâce au blog de J., j'ai pu aujourd'hui lire l'article du journal La Croix sur la visite de Sarkozy à Rome le 20/12 et son discours de l'après-midi au Latran après son intronisation comme chanoine honoraire de cette basilique majeure romaine en tant que Président de la République Française. Depuis Henri IV, en effet, chaque chef de l'état de notre pays est détenteur de ce titre dans la "Cathédrale du Pape".

Et ce discours me met dans l'embarras( moi qui n'ai pas voté Sarkozy), car pour l'essentiel, je suis d'accord avec ce qui y est énoncé. D'autant que c'est la première fois qu'un Président français se positionne aussi nettement, en particulier sur la laïcité et la place du spirituel dans l'Etat.

J'apprécie beaucoup (et Pierre aurait été ravi) son paragraphe sur la loi de 1905 (Séparation des Eglises et de l'Etat). Je cite: " Je sais les souffrances que sa mise en oeuvre a provoquées en France chez les catholiques, chez les prêtres, dans les congrégations, avant comme après 1905. Je sais que l'interprétation de la loi de 1905 comme un texte de liberté, de tolérance, de neutralité est en partie une reconstruction rétrospective du passé."

Je cite un peu plus loin: " la laïcité s'affirme comme une nécessité et une chance. Elle est devenue une condition de la paix civile. (...) C'est pourquoi nous devons tenir ensemble les deux bouts de la chaîne: assumer les racines chrétiennes de la France, et même les valoriser, tout en défendant la laïcité parvenue à maturité."
(Espérons simplement qu'elle y soit parvenue, ce qui ne saute pas toujours aux yeux, tant elle se confond parfois avec le plus intransigeant des positionnements fanatiques.)

Les derniers paragraphes consacrés à la morale laïque et à la morale religieuse (et pas seulement chrétienne) sont également très intéressants, en ce sens qu'ils réintroduisent dans la res publica (la chose publique, l'état) la dimension spirituelle, l'une ne pouvant sans danger se passer de l'autre. Je cite une dernière fois: "Une morale dépourvue de liens avec la transcendance est davantage exposée aux contingences historiques et finalement à la facilité."

Une telle honnêteté de la part d'un politique est à saluer bien bas, d'autant qu'il ne s'est pas, lui, exposé à la facilité. Restera à vérifier si ces mots ne sont pas que des paroles de circonstance.

samedi 22 décembre 2007

Mon histoire de Noël

Je parlais il y a deux mois (Riens(10) du 15 octobre:je viens de vérifier) de cet enfant mi marocain mi japonais dont le père était incarcéré et qui depuis refusait de communiquer et s'enfermait dans sa coquille.

Hasard le plus complet: il fait partie de mon atelier d'écriture du lundi. Les débuts ont été difficiles. Il n'a jamais refusé de lire ces textes devant les autres( peur de se singulariser davantage, cette fois-ci vis-à-vis de ses camarades?) mais le faisait de telle façon, d'une voix si sourde, si basse que personne ne pouvait réellement comprendre ces paroles. Aucun participant ne le lui a fait remarquer et ainsi il a peu à peu osé s'exprimer de façon intelligible.

Sans doute n'est-ce pas lié uniquement à cela, mais en classe également, il a fait d'énormes progrès. Ses résultats chiffrés sont en hausse constante (c'était un très bon élève avant l'incarcération de son père. Il est en train de regagner peu à peu ce statut.), physiquement il n'a plus la même façon de se tenir sur sa chaise, et surtout, surtout, il lui arrive maintenant de sourire, ce qui illumine complètement son visage.

Je sais qu'il continue à voir de temps en temps la psychologue scolaire: cela m'a été confirmé par sa mère en rendez-vous avec moi. Elle aussi est méconnaissable: j'avais eu en début d'année en face de moi une femme effondrée, à la limite du désespoir; j'ai retrouvé une autre personne, transformée par la lueur d'espoir qui, enfin, brille au fond de ses yeux. Quant au père, je ne sais pas: personne ne m'en a parlé et je n'ai pas posé de questions.

Alors, comme disait Maria Letizia Ramolino, la mère de Napoléon: "Pourvou qué ça doure!".
Je l'espère de tout coeur.

Voilà. C'était mon histoire (vraie) de Noël à moi.

A vot' bon coeur!

Je suis reposé, je suis calme, alors je vais en profiter pour parler calmement d'un sujet qui pourtant m'excite souvent les terminaisons nerveuses: les quêtes publiques.

Tout à l'heure, en arrivant au supermarché, j'ai eu la surprise de voir les scouts (quelle obédience? J'ai oublié) en train de quêter. Encore! Il y a quelques temps, c'était la Banque Alimentaire, l'autre jour les Petits Frères des Pauvres, si je me souviens bien.

Je n'ai rien contre ces quêtes publiques, rien si ce n'est qu'elles ne devraient pas être nécessaires dans un pays comme le nôtre (A quel rang sommes-nous au classement mondial des richesses?). Je trouve que les bénévoles qui consacrent une partie de leur temps à aider les autres sont des gens formidables, quelle que soit leur motivation profonde. Je pense que les fruits de ces collectes améliorent sensiblement le quotidien de milliers de familles ou d'individus isolés.

Encore faut-il qu'elles respectent une certaine façon d'agir. Aussi bien la Banque Alimentaire que les Petits frères des Pauvres distribuaient à l'entrée des sacs plastique que vous leur rendiez ou non à la sortie avec le contenu de vos dons. A aucun moment, les bénévoles de ces associations ne s'imposaient à vous. Restant discrets, ils rataient certainement un certain nombre de "clients", mais préservaient ainsi le libre-arbitre de chacun.

Les scouts, eux, comme chaque fois, se postent, par un ou en couple, derrière chaque caisse, s'emparent de vos achats sans vous demander aucunement votre avis pour les entasser dans les sacs plastique du supermarché (Personne ne leur a sans doute appris que les fruits ne se rangeaient pas sous les kilos de sucre, et les salades avec le bidon de cinq litres de lessive liquide!), puis, pour certains assez ostensiblement, vous montrent le récipient où vous êtes censés déposer votre obole sonnante et trébuchante.

La plupart des gens n'osent pas refuser et donnent. Moi, non. Au début avec une certaine gêne, maintenant en toute décontraction. Et j'explique, s'il le faut ( et il le faut souvent, vue la tête du susdit scout, effarée): j'ai horreur que l'on me force la main, dans ce domaine comme dans tous les autres. Je suis ainsi fait que si l'on veut m'obliger à faire quelque chose, je ferai systématiquement le contraire. C'est peut-être enfantin, mais c'est comme ça.

Je veux être libre de donner à qui je veux, quand je veux, et pas seulement au moment de Noël (ou des opérations "Bol de riz" au collège) pour me mettre au net avec ma conscience dans ces périodes "favorables". Et le reste de l'année, on les oublie, les pauvres? L'attitude de ces gens-là me rappelle trop celle de ces personnages de romans du XIX° siècle qui, grands bourgeois, possédaient (je choisis à dessein ce mot) "leurs pauvres". De plus, lorsque je donne, je n'ai pas besoin que ça se sache, que ce soit en public.

Enfin, ces braves scouts, dont beaucoup sont issus de la très bonne bourgeoisie lyonnaise (pas tous, je sais), ont-ils pensé qu'en se comportant ainsi, ils obligent certaines personnes âgées au pouvoir d'achat très réduit et qui n'osent pas dire non, à se priver, elles, de quelque chose à un moment ou à un autre, et de quelque chose d'essentiel, pas du dernier téléphone portable à la mode?

Non, au nom de la solidarité et du partage, on fait parfois vraiment n'importe quoi.
J'espère avoir réussi à rester calme, mais je n'en suis pas sûr.
Bon Noël à tous, pendant que j'y pense.

Martine en vacances.

Pour ma première journée de vacances, il y a eu deux moments bien différents.

Le premier au début de la matinée: rien, absolument rien. Je dormais. Moi qui, d'habitude, me réveille très tôt, j'ai émergé à 9h, et encore parce que j'avais programmé la radio sur cette heure-là. Même pas honte! Plutôt content même. A tel point que je suis resté encore presque une 1/2 heure dans mon lit, à savourer. Je suis en vacances, non?

Ensuite, le naturel a repris le dessus et je me suis transformé en petite "Martine", la fillette parfaite proposée en modèle aux gamines de mon époque dans une série de BD, ou en hyperactif s'occupant de plusieurs choses à la fois, façon Sarko, comme vous le sentez (sauf qu'à choisir, moi, je préfère encore Martine à Sarko. C'est dire!)

Voici donc un aperçu du programme: petit déjeuner, douche, lessive, appel au garage pour ma voiture (personne: c'est Noël avant Noël), courses alimentaires, préparation du déjeuner, installation de la crèche (il était temps), quelques précieuses minutes consacrées à la conversation avec mes vieilles voisines (on dirait qu'elles se donnent toutes rendez-vous dans le halle de l'immeuble au moment où justement, le samedi, je sors mais, bon, j'aime les vieilles et elles me le rendent bien.), départ pour le Parc, trois tours en courant ( toujours même temps: 53 minutes. Aujourd'hui la joie de terminer avec un mec de 16/17 ans qui est venu, sans rien demander, se coller à mes côtés, s'est parfaitement adapté à mon rythme plutôt rapide, a accéléré lorsque, dans les dernières centaines de mètres, j'ai voulu sprinter, et a paru tout déçu de me voir m'arrêter. Pour un peu, je faisais un 4° tour, mais Pépère doit penser parfois à se ménager!), re-douche, petit goûter puis travail scolaire jusqu'à 19h: rangement des cours qui s'étaient entassés sur le bureau ou le canapé, correction de copies, préparation de séances pour la rentrée, tout en écoutant Rossini (Petite Messe solennelle, qui d'ailleurs n'est ni petite ni toujours solennelle) puis Satie (Gnossiennes et Gymnopédies). Voilà! Non, j'ai oublié de mentionner un petit quart d'heure de sieste après le repas de midi, un coup de fil de J. pour "caler"la veillée de Noël, et un autre à ma soeur pour l'informer que je me charge du dessert de demain.

Ça, c'est une vraie journée de vacances!

vendredi 21 décembre 2007

Entre frères.


Frère du précédent, de J-B Pontalis, que je viens de terminer, est un texte qui a obtenu en 2006 le Prix Médicis Essais. Je l'ai lu en quelques jours à peine.

Curieux livre, que l'on dirait inachevé (et dont l'auteur lui-même dit qu'il a eu du mal à l'écrire et surtout à le terminer): il entrelace des réflexions sur des "couples" de frères célèbres, réels ou fictifs, vrais frères ou frères d'élection: Théo et Vincent Van Gogh, Pierre et Jean, Freud et Wilhelm Fliess, Robert et Marcel Proust, Caïn et Abel, etc. - avec des souvenirs familiaux et une recherche sur ce qui constitua fondamentalement le substrat de sa relation avec son propre frère, décédé aujourd'hui.

Outre les souvenirs littéraires évoqués, et pour la plupart parlant pour moi, j'ai apprécié la clarté des idées et du style et l'aisance avec laquelle ses lignes se lisent. Je craignais, avant de commencer, J-B Pontalis étant membre de l'Association psychanalytique de France, d'avoir plus de mal en entrer dans son sujet. Ce qui m'y a aidé aussi, c'est encore une fois France Inter: au cours de l'émission L'Humeur vagabonde, il ya quelques semaines à peine, j'ai eu l'occasion d'entendre brièvement la voix de Pontalis: une voix chaude et profondément humaine. J'avais envie d'approfondir.

Bon déparras (la retraite).

Non, il n'y a pas de faute de frappe dans le titre de ce billet. C'est exactement ce que j'ai eu envie d'écrire hier soir, sur les cadeaux, lors du pot de départ à la retraite d'un collègue qui n'a jamais été un ami: Bon débarras!

Nous avons travaillé pratiquement trente ans dans le même collège, enseignant la même matière et jamais, jamais un atome crochu. Tout juste avons-nous réussi, ces deux ou trois dernières années, à ne plus nous éviter à tout prix et même, rarement, à engager un semblant de début de conversation.

Bien sûr, je ne suis pas forcément d'un premier abord très chaleureux, mais le bougre me bat largement sur ce terrain-là. Moi, je réponds toujours quand on me dit bonjour, par exemple. Ma maman m'a appris que c'était une des règles élémentaires de la politesse. Lui baisse la tête, semble absorbé par une particularité très intéressante des rainures du plancher et passe, royal, sans même vous avoir vu.

J'ai remarqué que, depuis quelque temps, il devenait dur d'oreille, mais curieusement, c'est alors qu'il s'est mis parfois à me rendre mon salut. Mystère insondable de la communication!

Hier soir, sa femme, la secrétaire du directeur, m'avait invité. Allez, pépère, fais un effort. Accroche-toi un sourire de circonstance et montre-toi bon camarade. D'accord. J'ai même convoyé d'anciens collègues depuis longtemps à la retraite jusqu'au lieu des réjouissances. J'étais près à me montrer sous mon meilleur jour.

Eh bien, oui! Ça a très bien marché, mais je ne veux surtout pas revivre ça, jamais. Trop d'anciens, qui ont trop vieilli et devant qui, finalement, on s'aperçoit vite qu'on n'a plus rien à se dire, trop d'évocations de souvenirs remontant pour certains aux années soixante (beaucoup de mes collègues actuels n'étaient même pas nés!), égrenés au long d'un discours et d'une réponse au discours sans fin, trop de "je fais semblant d'être ému et voyant comme vous faites bien semblant de m'aimer!"

Je suis certes un peu dur, mais à quoi rime tout ça? Je supporte de plus en plus difficilement cette comédie sociale. La mort de Pierre m'a ouvert les yeux sur ce qui est essentiel, et hier soir, il n'y avait rien d'essentiel.

Alors, j'ai prévenu S. et I.: quand ce sera mon tour, surtout pas ça! Je ne veux pas d'un rassemblement de collègues: ceux que j'aime, je m'arrangerai pour les côtoyer encore, une fois à la retraite (ce n'est pas uniquement le boulot qui tisse nos liens); les autres, je m'en moque, et ne tiens pas à leur infliger le supplice de ma soirée d'hier.

En fait, ce qui me ferait vraiment plaisir, ce serait de revoir, à cette occasion, un grand nombre de mes anciens élèves, de tenter de les reconnaître, d'évoquer avec eux les bons (ou moins bons) moments, les jeux de mots, les à-peu-près qu'inévitablement je leur ai infligés, de reconnaître en l'homme ou la femme qu'ils sont devenus les promesses de la graine que je voyais au début de sa germination.

Et, peut-être, d'avoir le bonheur de constater que j'ai laissé en eux une petite trace, comme j'ai en moi, pour toujours, l'empreinte de certains de mes maîtres qui ont contribué à me faire ce que je suis.

Enfin!

Ça y est: je suis en vacances!

Quand je suis rentré chez moi, tout à l'heure, après une dernière journée bien remplie, après la visite à ma mère et la traversée de Lyon un vendredi soir de départ en vacances et de temps de chien, que j'ai refermé la porte, que j'ai senti la chaleur, l'odeur de mon appartement, que j'ai pensé que je ne verrais plus personne jusqu'à demain matin, que j'allais pouvoir enfiler mon vieux jogging tout étiré, manger en écoutant la radio, ne pas répondre au téléphone si l'envie m'en prenait, me vautrer dans un fauteuil avec de la musique et un livre, ou bien tapoter sur ce clavier, m'endormir tôt ou me coucher tard sans me dire que j'allais le payer le lendemain, j'ai connu un moment intense de bonheur.

Il faudrait que j'organise un peu l'emploi du temps de ces deux semaines à venir, mais pas ce soir. Je viens seulement de réaliser que Noël, c'est CE mardi et pas dans un avenir plus ou moins lointain.

J'ai tout de même les grandes lignes: Noël avec ma mère et ma soeur, la semaine intermédiaire à me reposer, à régler les affaires de famille qui traînent encore et me rebutent de plus en plus. Il faudrait aussi que je pense à faire réparer ma voiture, qui donne des signes de plus en plus évidents de vieillesse, et que je remplisse quelques cartons de vêtements, chaussures et bibelots à donner. J-M. viendra peut-être du midi passer un moment à Lyon. Le repas de famille, c'est la seule certitude, se fera le jour du 1er Janvier, probablement chez mon frère.

Ensuite, j'irai volontiers passer trois jours en Savoie, près d'Aix-les-Bains, chez E. Il m'aura sûrement garder du jardinage à finir avant les fortes chutes de neige, et puis, je suis bien dans cette grande maison de caractère, dans ce lit ancien à la grosse couverture piquée dont la couleur rouge est depuis longtemps ternie mais qui tient toujours aussi chaud.

Mais ce soir, je ne veux que goutter à fond mon sentiment de liberté.

mercredi 19 décembre 2007

La (les) boule(s)

Hier soir, je n'ai pas voulu en parler, mais ce soir, je peux.

Lors de ma visite chez l'urologue, à laquelle je me suis rendu en toute décontraction, puisque mes PSA étaient restés sages, j'ai eu droit à la douche froide. Au toucher, il a décelé une légère anomalie de la prostate qui n'apparaissait pas il y a un an, et me conseille une biopsie. Voilà. Si les résultats sont positifs, traitement (radiographie,...) ou opération (qu'il préconiserait si nécessaire vu mon "jeune"âge). Mais peut-être n'est-ce qu'une fausse alerte.

En attendant, j'avais les boules en ressortant de la clinique. Je me suis arrêté en route à la Fnac et me suis acheté les deux versions de 55 des Variations et Für Alina,d'Arvo Pärt, et, évidemment quelques livres de poche. J'ai fini le trajet à pied jusqu'à mon appartement, en pensant à J. et à nos mains enlacées sur cet itinéraire.

Cela, trajet et achats, m'a permis de franchir l'obstacle, d'avaler la pilule, de faire descendre la boule qui m'obstruait un peu la gorge, même si je ne voulais pas l'admettre. J'ai aussi pensé à mon frère qui, lui, se bat avec un vrai cancer, pas avec une possibilité de cancer. Je ne peux pas me plaindre. Alors, avvanti!

Et aujourd'hui, J., qui ne devait pas être libre, est venu déjeuner avec moi. Tendresse. Voilà plutôt le genre de surprises que j'aime!

Enfin, ce soir, Vincent sur son blog m'a adressé un message, dans son billet "Mer agitée": "The voice", Marie-Pierre Planchon et la météo marine que je venais à peine d'écouter en grignotant.
Je me suis enfin décidé à lui laisser un commentaire, auquel il a déjà répondu. Je suis très heureux de faire "un peu" sa connaissance, parce que ce qu'il écrit me touche souvent beaucoup.

Finalement, j'ai encore les boules mais ce soir elles s'apparentent plus à celles du sapin de Noël.

mardi 18 décembre 2007

Souvent le temps varie...

Ce matin, j'ai à peine eu le temps d'entendre la voix de Patricia Martin et je me suis rendormi. Un peu fatigué, pépère.

Réveillé en sursaut par le journal des sports, à 6h32. Je saute du lit, ayant du pain sur la planche avant mon premier cours. Petit déjeuner rapide, et hop, direction la salle de bains. Coup d'oeil anxieux à la pendule murale: 6h45. Bravo! Non seulement, j'ai rattrapé mon retard, mais je suis même en avance sur les autres jours.

Je décompresse donc, prends mon temps, m'hydrate méticuleusement (l'hiver lyonnais ne vaut rien à ma peau) et rejoins la cuisine pour je ne sais plus quoi. En passant dans l'entrée, rapide regard machinal sur la pendule: 7h20. Bon, d'accord, elle ne fonctionne à nouveau plus. Il va falloir que je change les piles, ou que je change la pendule. Par acquis de conscience, vérification à la cuisine: là aussi 7h20.

Belle montée d'adrénaline: s'il y a une pendule qui ne marche pas, c'est celle de la salle de bains!
Et je suis terriblement à la bourre.

Heureusement, je me souviens de l'endroit où j'ai garé ma voiture. Heureusement, personne ou presque ce matin dans les rues (ça doit se produire au maximum deux fois par an, été non pris en compte). Je fonce, espérant ne pas avoir affaire à la maréchaussée et à ses radars. Tout ça pour arriver au collège encore plus tôt que d'habitude.

Souvent le temps varie (j'ai constaté le même phénomène chaque fois que je suis avec J., mais là, il rétrécie toujours!), bien fol qui s'y fie!

Météo marine

S'il est sur France Inter un moment que j'aime, parmi tant d'autres, et que je ne rate pas si je peux, c'est celui de la météo marine, le soir après le journal de 20h.

Marie-Pierre Planchon, the "voice" comme l'appellent tendrement ses collègues, égrène pendant cinq minutes les zones Atlantique et Méditerranée et nous en révèle les conditions atmosphériques.

Bon, d'accord, je ne suis pas marin, je vis à Lyon à quelques centaines de kilomètres de la première vaguelette (celles du Rhône et de la Saône exceptées), alors pourquoi? Parce que j'adore ça, gratuitement. Pour moi, c'est comme un long cantique, une sorte de Poème de la Création, avec ses noms compliqués, ses mots qui se répètent, toujours semblables, comme une litanie.

"Dieu dit." devient: "Mer peu agitée à agitée"."Il y eut un soir et il y eut un matin." se transforme en " Secteur nord-ouest 2 à 4, fraîchissant le matin".

Je ne comprends rien, ou pas grand chose, mais ça me fait rêver, un peu comme je rêvais, enfant, en commençant ma collection de timbres, devant les paysages ou les monuments de pays que je ne connaissais pas encore.

Aujourd'hui, de même que pour certains pays des timbres, je sais où se trouvent quelques zones citées par Marie-Pierre Planchon. Mais la litanie n'a rien perdu pour moi de son caractère magique.

Écoutez ces noms magnifiques, toujours prononcés dans le même ordre:

Viking, Utsire, Forties, Cromarty, Forth, Tyne, Dogger, Fisher, German, Humber, Tamise, Pas-de-calais, Antifer, Casquets, Ouessant, Iroise, Yeu, Rochebonne, Cantabrico, Finisterre (prononcez: Finistérré), Pazenn, Sole, Shannon, Fastnet, Lundy, Irish sea, Rochall, Malin, Hébrides, Est de Cabrera, Baléares, Minorque, Lion, Provence, Ligure-Nord de Corse, Sud de Corse, Sardaigne, Maddalena, "et pour finir" Elbe.

Moi qui pourtant n'aime pas la mer, je rêve: sonorités des mots, évocations de paysages,... J'ai mes préférés (Viking, Utsire, Dogger, Fisher, German) , ceux que je trouve poétiques ( Antifer, Rochebonne, Cantabrico), ceux qui m'évoquent des souvenirs (Sud de Corse, Sardaigne, Maddalena), ceux qui me glacent de leurs brumes supposées ( Shannon, Lundy, Irish sea)...
Je pourrais presque réciter la liste par coeur. Je regrette simplement de ne pas avoir encore suffisamment de connaissances techniques pour vous les faire réellement écouter, comme l'a fait Vincent, sur son blog (28 octobre 2007), pour d'autres émissions de France Inter.

Gambetta.

Ce soir, j'ai remonté Gambetta ... seul. C'est drôle, comme on prend vite des habitudes.

lundi 17 décembre 2007

Pas si zen, le temple.

Voici un roman rapidement lu: Le Temple des oies sauvages, de Mizukami Tsutomu (1961, publié en France en 1992 par les éditions Picquier).

Rapidement lu parce qu'assez court, 150 pages maximum, et écrit dans un style léger. L'auteur y raconte, de façon très linéaire, le meurtre de son supérieur par un très jeune novice jaloux de sa relation libertine avec une femme dont ce supérieur a fait sa maîtresse. Les oies sauvages sont la décoration murale d'une pièce du bâtiment principal du temple zen où se situe l'action.

Pas grand chose à dire sur ce livre. A remarquer , je l'ai déjà dit, son style aisé, bien rendu par la traduction de Didier Chiche, et quelques passages d'une extrême sensualité dans la description des rapports érotiques et sexuels entre la femme et le supérieur, particulièrement quand, peu à peu, la femme découvre le plaisir et se donne entièrement à lui.

Avec le temps.

Ce dimanche, mon frère et sa femme sont passés chez ma mère, à ma grande surprise, puisqu'il s'agissait du premier week-end après sa chimio, période où il est particulièrement mal d'habitude.

Il était en forme, élégant même avec son manteau noir et son écharpe et les tempes maintenant grisonnantes lui vont bien. J'aime ces moments rares où la famille se reconstitue momentanément sans autre raison que d'être bien ensemble.

Au cours de la conversation, je lui ai fait part de mon intention de lui offrir pour Noël un objet ayant appartenu à Pierre. Il m'a d'abord répondu que nous ne nous offrions rien d'habitude (ça, je le sais), et a rajouté qu'il s'était, il y a peu, rendu compte qu'il possédait déjà des choses de Pierre. Et ensemble, nous avons cité les disques vinyle de Ferré chantant Verlaine et Rimbaud.
Enfin retrouvés!

Nous avons cherché ces disques pendant des années. Pierre y tenait beaucoup, puisqu'ils lui avaient été offert par ses élèves d'une aumônerie de Chambéry. Impossible de nous souvenir à qui nous les avions prêtés. Nous avions fini par faire une croix dessus et je les avais rachetés en CD . Et les voilà qui ressurgissent maintenant, sans crier gare. Pierre aurait été heureux. Avec le temps....

dimanche 16 décembre 2007

Ma concierge bien aimée.

Au cours de la soirée d'hier, en compagnie de J. et G., j'ai raconté un de mes souvenirs datant des premières années où j'habitais Lyon, rue Vendôme, dans le 6° arrondissement. Ils m'ont dit, l'ayant écouté, que cela pourrait faire l'objet d'un roman. Je le crois aussi, mais Muriel Barbery (L'Elégance du hérisson) occupe déjà le créneau de la concierge inhabituelle.

Voici simplement les grandes lignes de cette histoire datant du début des années soixante-dix (ce qui permet de comprendre un certain nombre de choses qui relèveraient dans la société d'aujourd'hui, de la plus pure "fantasy").

J'habitais un immense appartement en entresol dans un immeuble très chic de l'arrondissement le plus chic de Lyon. Nous y vivions à 6 ou 7 , en communauté, sous la houlette d'un prêtre travailleur, M., ami de Pierre (qui, lui, était pour son travail en "exil" en Saône-et-Loire.)

La plupart des occupants avaient fréquenté la sacristie ou au minimum le séminaire puis avaient rejoint la vie "active". J'étais le premier vrai laïc à intégrer leurs rangs.
Ensuite sont arrivées deux filles (les deux premières) et le profil du lieu a rapidement changé. Ne voyez pas dans la fin de ma phrase précédente une quelconque critique, un profond regret plutôt.

Au rez-de-chaussée se nichait une minuscule loge de concierge. Se nicher est le terme approprié car cet espace avait plus la taille d'une niche à chien que d'un habitat pour humain. L'étroitesse des lieux était aggravée par la taille, gargantuesque, de la concierge, et par le capharnaüm invraisemblable d'objets hétéroclites qu'elle y avait entreposés: plusieurs téléviseurs, hors d'état de marche, des réfrigérateurs, des pneus de voiture, des fauteuils d'osier, et tutti quanti.

Première particularité de cette dame, Madame F.: elle recueillait plusieurs fois par an chez elle un jeune homme (trois ou quatre ans de plus que moi) débile mental qu'elle sortait (comment?) de l'hôpital psychiatrique du Vinatier pour plusieurs semaines. Ce garçon, que nous avions surnommé "le Kiki", arrivait chaque fois dans un état de prostration lamentable puis, peu à peu, au contact de sa "maman" adoptive et de tous ceux, très nombreux, qui fréquentaient notre communauté, parvenait à sortir de sa carapace, à émettre des sons, voire des mots, presque compréhensibles et à nous surprendre par sa vitalité et sa joie de vivre. Il avait surtout deux centres d'intérêt: la musique et la police. Alors alternaient les moments où, hyper excité, il nous racontait des histoires de bandits qui se terminaient invariablement au "polissariat", et ceux où, calmé, il s'asseyait dans la cour de l'immeuble, un dictionnaire à l'envers sur les genoux, une vieille guitare à une corde dans les bras, et nous "régalait" de ses "sérénades".

Deuxième particularité: Madame F. avait de la "classe". Non, pas dans le physique, empâté et avachi, ni dans l'habillement, à la limite de la propreté parfois. Madame F. avait de la "classe" dans la phrase. Je ne l'ai jamais surprise à employer un gros mot, jamais une phrase à la syntaxe hésitante ou erronée, jamais un à peu près lexical. Elle n'a, devant moi, jamais omis le "ne " d'aucune négation. Je l'ai longuement guettée, pensant qu'elle finirait bien par se trahir, que son style n'était que de la poudre aux yeux, qu'elle ne pourrait soutenir le challenge très longtemps.
Eh bien, j'en ai été pour mes frais:Madame F. possédait la langue française de manière naturelle.
Ainsi, lorsque l'état de ses jambes et de ses varices lui interdit de s'occuper elle-même de l'entretien de la cage d'escalier, elle sous-traita avec une autre "dame", recrutée par ses soins parmi les "pauvres" de l'Armée du salut, vieille personne aussi maigre que Madame F. était grosse, et que, dans notre grande bonté de post-adolescents, nous surnommâmes très vite "la Zèzette" ou "l'esclave". L'esclave nettoyait sous le regard hautement scrutateur de l'autre, royalement installée dans un de ses fauteuils d'osier (comment ne craquait-il pas?) et le dialogue s'instaurait ainsi:
- Madame!
- Plaît-il, madame?
- Je crois que vous avez omis de dépoussiérer l'extrémité de la rampe.
- Madame se trompe!
Et tout le reste à l'avenant.

Troisième particularité: Madame ne se contentait pas de connaître parfaitement toutes les chausse-trapes de la langue gauloise, elle maîtrisait parfaitement l'idiome de nos amis germains et celui (ceux) de nos voisins ibériques. Un jour, une femme est arrivée pour rendre visite à de la famille espagnole installée dans la petite maison construite dans la cour ( habitat nettement moins noble que l'immeuble). Immédiatement, Madame F. joua son rôle de Cerbère, à merveille comme d'habitude, et intercepta l'étrangère. Plus tard, elle me dit avec des nuances de mépris dans la bouche: " Elle est de la région de ....... Mon Dieu, quel dialecte! Elle n'est pas fréquentable."

Quatrième particularité: malgré les apparences, Madame F. avait le goût d'un certain confort. Une nuit, M., dont la chambre donnait sur la cour, vint me réveiller en me prévenant de ne faire aucun bruit lorsque je regarderais de sa fenêtre ce qui se passait. Avant de voir, j'entendis un étrange bruit d'eau, comme du liquide qui tomberait dans un autre liquide en éclaboussant. Il faut préciser que l'été, Madame F. prenait ses quartiers dans cette cour de l'immeuble où elle installait un matelas sous l'auvent protégeant l'escalier menant aux caves.
Le fantastique,c'est que, dans cet immeuble ultra bourgeois, personne n'a jamais élevé la moindre protestation officielle contre cette situation (sauf l'occupant du rez-de-chaussée qui, de toutes façons, passait son temps à râler contre tout). Cette nuit-là, très chaude il est vrai, Madame F. avait demandé à Zèzette d'apporter un seau rempli d'eau fraîche, elle s'était installée sur son habituel fauteuil en osier, les pieds nus dans une grande cuvette, les robes relevées plus haut que le genou et, l'esclave à ses pieds, elle se faisait asperger les jambes au moyen d'une louche que Zèzette remplissait au seau, le tout agrémenté des profonds soupirs d'aise de ce Sardanapale en jupons.

Enfin, dernière particularité ( en tout cas mentionnée pour ce soir, parce que, mine de rien, le temps passe vite quand on écrit, et demain, je me lève tôt, moi.) : Madame F. était riche. Un jour, pour offrir une plante verte à la fille d'un occupant de l'immeuble qui convolait en justes noces, elle me fit appeler et m'envoya chez le fleuriste le plus proche en me confiant un billet de 500 francs. A ce moment-là (années 70), c'était déjà une coquette somme. Elle l'extirpa devant moi, sans gêne aucune, d'un sac à main à la bride cassée, de ceux qu'à une époque toutes les vieilles lyonnaises possédaient, où il côtoyait quelques milliers de ses semblables serrés dans ce sac comme harengs en caque. A mon retour, elle refusa catégoriquement que je lui rende la monnaie. Je fus riche pour quelques jours. C'est à cette occasion que j'appris un de ses secrets qu'elle me confia elle-même: elle avait été, dans sa jeunesse, la préceptrice des enfants d'une grande famille en Autriche (d'où sa parfaite connaissance de l'allemand), et, un peu plus tard, la fleuriste attitrée du président de la République Française, René Coty, au Palais de l'Elysée.

Comment avait-elle atterri dans sa niche, je ne l'ai jamais su. Aujourd'hui, elle est morte depuis bien longtemps, la Zèzette aussi sans doute. Je ne sais pas ce qu'est devenu le Kiki: sans sa maman adoptive, il a dû s'enfermer définitivement dans sa robuste coquille. Peut-être était-ce ce qu'il avait de mieux à faire, après tout. Mais chaque fois que je prépare, pour les fêtes, une table bien dressée et que je sors la ménagère en argent, je pense à elle: elle l'a elle aussi extirpée un jour de son capharnaüm pour me l'offrir.

Oui, Madame F., vous étiez vraiment un personnage de roman.

Hier soir.

Hier soir, J. est venu dîner avec sa femme chez moi.

C'était la première fois mais je n'étais pas anxieux. Je commence à un peu plus connaître G. et je l'apprécie. On peut même dire que j'éprouve d'un certain point de vue une sorte de tendresse pour elle. C'est une femme solide, déterminée et qui s'intéresse aux autres.

La soirée s'est passée en discussions diverses et variées, de la part de G. et moi surtout. J. était un peu plus en retrait. Il en parle lui-même dans un de ses billets d'aujourd'hui.

Tu dis, J., ne pas parvenir à être naturel et te mettre en position de spectateur. C'est vrai et faux à la fois. J'ai apprécié, cette fois-ci encore, notre connivence, nos clins d'oeil complices à certains moments. Il me semble que là, tu es tout à fait toi-même. Chaque fois que tu exposes tes opinions personnelles aussi.

Pour le reste, je suis moi aussi dans une position particulière. La première fois que tu m'as présenté ta femme, rappelle-toi dans quels petits souliers j'étais. En plus, tu nous avais laissés pratiquement tout le temps face à face, et je crois que tu as bien fait: ou bien nous avions réellement quelque chose à nous dire, ou bien je filais aussi rapidement que la politesse me le permettait. Je suis resté tout l'après-midi.

Dans ces moments-là, j'improvise, je marche à l'instinct, surtout je n'intellectualise pas. Il n'y a pas de modèle pré établi que l'on puisse suivre, pas que je connaisse en tout cas, et c'est ça qui est passionnant. Et un peu stressant, c'est vrai aussi.

Je suis sûr que nous sommes trois êtres humains sincères, pour qui la vie a une valeur essentielle et qui n'ont pas l'intention de laisser leur marche être interrompue par des considérations éculées. Mais il faut le temps.

Une petite erreur dans ton billet, cependant: tu prétends être un être transparent. Or moi, hier soir, je n'ai vu que toi! Ça doit être mes nouvelles lunettes!

Mec!

Ceci, en grammaire, est une apostrophe: en latin, ce serait au vocatif. Ce n'est pas une perche tendue au voyeurisme et à la pornographie gay. Je parle ici à une seule personne.

C'est à toi, mec, que je m'adresse, toi qui m'appelles ainsi dans tes libellés: tu te reconnaîtras. Voilà: à cause de toi, je viens encore de prendre un mouchoir pour m'essuyer les yeux et les joues. Ben oui, je me suis encore mis à pleurer. Non, ne t'inquiète pas, ça ne devient pas une manie, et puis là, c'est de ta faute.

En rentrant de chez ma mère, j'ouvre internet et vais jeter un coup d'oeil sur ton blog, histoire de voir si ta journée fut plutôt comateuse ou plutôt productive. Deux nouveaux billets: chouette! Deux qui parlent de moi: encore mieux, re-chouette. Mon petit côté narcissique est comblé.

Je commence à lire et..... la musique. J'entends la musique qui accompagne tes écrits. Tu l'as changée. Ce n'est plus Beethoven, c'est Bach, ce sont les Variations Goldberg, c'est l'Aria. Hier soir, je l'ai mis en musique de fond de nos conversations après le dîner. Je n'aurais pas dû: ça ne s'écoute pas comme ça. Aujourd'hui, je la retrouve chez toi, en écho, en fabuleux écho, en cadeau (tu vois, celui-ci n'était pas encore fait) et je n'ai pas pu me retenir.

Voilà, mec, ce que je peux te dire ce soir. Je pourrais aussi te lancer mon plus beau "du con": ce serait le plus tendre que tu aies jamais entendu de ma part. Mais je préfère attendre deux jours: ce sont des choses qui se règlent face à face, entre hommes, une fois la porte fermée.

samedi 15 décembre 2007

Bach et Gould.

Les larmes aux yeux, je les ai eues aussi hier soir, toujours en repensant à Pierre.

Après avoir écrit mes deux billets quasi quotidiens, j'ai l'habitude d'aller voir un peu ailleurs ce qui se passe, c'est à dire de lire quelques blogs que j'ai sélectionnés et installés dans mes favoris.

L'un d'entre eux, le dernier de ma liste, m'intéresse particulièrement. Écrit par un homme jeune, ce blog m'attire beaucoup par son contenu et la pudeur qui s'en dégage en même qu'une grande culture et une qualité d' humanité. Vincent, c'est le prénom de cet homme, y parle de lui, de sa famille, de ses nombreux voyages, avec beaucoup de retenue, de sensibilité et même d'humour. Parfois, il agrémente ses billets d'un morceau de musique, souvent de musique classique.

J'ai donc décidé de lire son blog depuis le début, mars 2007, mais lentement, comme on savoure un bon verre.

Dans sa production de juin, je remarque un billet intitulé Variations Goldberg. Il y compare les différents enregistrements, celui de 1955 par Glenn Gould, le même ressorti récemment en re-performance, celui de 81 (que je possède), toujours par Gould et celui de Rosalyn Tureck (99), que je ne connais pas.

Et le souvenir de Pierre m'a sauté au visage avec une force inouïe.

Nous écoutions souvent Bach, nous communions profondément sur cette musique. C'est la musique qui a toujours été le ciment de notre relation, et particulièrement celle de Bach. En entendant l'Aria, que je n'ai pas écouté depuis des années, je me suis mis à pleurer comme un gamin, de grosses larmes sur les joues.

Au-delà de la musique, je revoyais les belles mains de Pierre, ces mains que j'aimais tant quand, les jours où il allait bien, il se mettait au piano et égrenait quelques morceaux qu'il choisissait ou que je lui demandais, ces mains fines qui couraient légères sur le clavier, accrochant parfois, repassant, repartant avec une telle joie, courant comme des folles entre les touches noires et blanches. A l'époque où il fumait, il gardait sa cigarette à la bouche, et, pour qu'il ne s'interrompe pas, j'approchais moi-même le cendrier de ses lèvres pour y faire tomber la cendre.

Aujourd'hui, le piano est toujours là, muet. La nièce à qui il était destiné n'est jamais venue le chercher. Il est couvert de plantes vertes. Je m'assois parfois sur son tabouret et caresse le bois, doucement. Tout ceci n'est pas triste. Simplement, cela n'est plus.

Il faut que je me remette à écouter Bach.

Elle refleurit.

Lorsque Pierre était en convalescence au Bois d'Oingt après sa deuxième opération, quelqu'un, je ne sais plus qui, lui avait apporté une orchidée mauve pour égayer sa chambre à l'allure monacale.

Une fois la floraison passée, j'avais coupé la tige et installé la plante dans le salon, au bord d'un bahut, près du radiateur, à un endroit qui semblait lui convenir. C'était il y a bientôt quatre ans.

Depuis, plus rien, aucune fleur, simplement de nombreuses racines apparentes qui lui donnaient un peu l'air d'une araignée menaçante sortie d'un film d'épouvante aux trucages grossiers. Je ne la changeais pas de place, car ses feuilles étaient bien charnues et parfaitement vernissées. Simplement, je n'y croyais plus. Même le fleuriste près de chez moi, à qui j'avais expliqué la situation, trouvait le temps un peu long.

Et puis, ce matin, j'arrose mes nombreuses plantes, je fais le tour des balcons et des différentes pièces et que vois-je? Près de la fenêtre, à frôler le rideau, une tige qui n'est pas une racine, que je n'ai pas vu pousser, dont je jurerais qu'elle n'était pas là hier et qui propose à son extrémité deux ou trois petits bourgeons.

C'est idiot, mais j'ai eu les larmes aux yeux, de joie, d'une très grande joie. Cette plante a traversé ses années noires en se faisant oublier, discrètement, et aujourd'hui, elle s'épanouit en fleurs, comme si elle pressentait que je peux maintenant les apprécier pleinement. Je sais, c'est idiot, mais tant pis: j'aime que l'orchidée de Pierre aille mieux aussi.

Simplement me voici maintenant un peu angoissé: cette fleur va-t-elle éclore, ne va-t-elle pas sécher avant? D'autant que j'ai constaté que l'orchidée porteuse s'est nourrie de beaucoup de terre et ne se tient plus à son contact que par un semblant de racine. Faut-il rajouter du terreau? J'en ai, mais est-ce le bon? Je l'ai entreposé dans ma cuisine, l'enlevant du balcon, pour qu'il soit à température, et demain, je crois que j'en rajouterai un peu dans le pot.

Il ne faut pas exagérer non plus: je ne suis pas en train de vivre un accouchement!

vendredi 14 décembre 2007

Un jardin un peu stérile.

Je viens de finir à l'instant le roman d'Alexandre Jardin, Le Roman des Jardin.

Curieusement, ce livre est classé comme roman, alors que l'auteur ne fait, tout au long de ses 300 pages, que nous parler de sa famille. Alors, réalité ou fiction? Bien difficile à dire: les lieux, les personnes (personnages?), les allusions historiques sont réels, mais les faits évoqués?

Cette sorte de folie érotique, certes charmante pour moi, de tous les membres de sa famille est-elle un seul instant crédible?Qu'il y ait eu un, voire deux ou trois êtres de cet acabit, soit, mais tous? On a du mal à le croire, d'autant que, parfois, ces chapitres ont un petit côté répétitif (dans leur structure en tout cas) un peu gênant.

Reste un joli survol du XX° siècle, un survol léger, gracieux mais un peu vide, à la Cocteau, auteur d'ailleurs évoqué dans le dernier chapitre. Ça se lit sans déplaisir, le style est alerte, l'humour léger, mais ça doit aussi s'oublier très vite. Des moments franchement drôles, d'autres assez émouvants, comme l'évocation de Françoise Verny, éditrice chez Gallimard, aujourd'hui disparue. Une grande dame.

C'est en saignant que l'on devient enseignant.

Un syndicat français, la CFDT, vient de se pencher sur les conditions et charges de travail du métier d'enseignant.

Pendant le premier semestre 2007, une enquête (questionnaire de 65 questions) a été réalisée auprès de 5400 enseignants, syndiqués ou non, du 1er degré aux classes de BTS. J'ai trouvé aujourd'hui dans mon casier un extrait des résultats, présenté sous forme de graphiques.
En voici un très court aperçu, sur deux questions:

"Votre métier, c'est plutôt?"
- être "assistant social": 10%
- faire de la discipline: 15,5 %
- animer: 14,7 %
- éduquer: 50 %
- apprendre à apprendre: 56,2 %
- transmettre des savoirs 44,2 %

" En situation "normale", en moyenne, combien de temps travaillez-vous chez vous par semaine?"
- moins de 4h: 1,8 %
- de 4 à 8h: 22,9 %
- de 8 à 12h: 39,5 %
- de 12 à 16h: 23,8 %
- plus: 11,7 %

(Si l'on y rajoute les heures de travail dans l'établissement, cela fait un temps de plus de 40 heures en période dite normale. Il y a aussi les périodes dites "hautes" avec conseils de classe, concertations, rencontres avec les parents, réunions diverses,...)

Il est à craindre que ce soient de jeunes collègues qui fassent le plus de discipline et qui travaillent plus de 16h par semaine à la maison. J'ai trente et un ans de carrière derrière moi, et c'est la première année où je parviens à ne presque plus travailler le week-end, où j'arrive à me déconnecter pendant deux jours. J'en ai encore parfois mauvaise conscience: est-ce vraiment normal?

Suite au départ en retraite de "vieux"( pour beaucoup mes amis), notre collège accueille depuis deux ans de nombreux jeunes profs, frais sortis de leur organisme de formation, la tête pleine d'idées et les yeux débordant d'utopies. Je ne les envie pas: je sais de quoi je parle, j'ai été comme eux, et parfois, si je ne fais pas attention, je rechute.

Ce sont des bourreaux de travail, ils essaient de faire du mieux qu'ils peuvent, ils y croient.... et souvent se cassent la figure, se détournent de ce métier, entrent en dépression ou bien s'aigrissent.

J'ai échappé à tout ça. Pourquoi? Sans doute une santé psychique et physique de "terrien", les pieds bien plantés dans la glaise, une assez grande capacité de travail et une vie extérieure, personnelle équilibrante et équilibrée pendant de nombreuses années.

Tout ceci est nécessaire dans ce métier, plus une bonne dose d'abnégation, un renoncement à faire fortune et surtout, surtout, une immense tendresse pour ces sales gosses.

jeudi 13 décembre 2007

Si la photo est bonne...

Je lisais hier soir sur un autre blog des considérations assez proches de mes pensées actuelles. Cela concerne les lecteurs de mes billets que je connais.

En plus de J. qui fut le premier, ils sont plusieurs maintenant à passer me lire le soir ou à un moment ou un autre de la journée. Il y a S., bien sûr, mais aussi F-J., A., et bientôt P. et J-M quand il aura à nouveau Internet à la maison. (Je ne mentionne pas Thom, puisque, à proprement parler et bien que j'apprécie beaucoup sa fidélité, je ne le connais pas.)

J'avais peur, en donnant ainsi mon adresse, que cela réduise ma liberté d'expression, de ne pas oser confier certaines choses, de ne pas pouvoir parler d'eux. J'espérais aussi, par ce moyen, me brider, m'empêcher de dérailler, de délirer, contenu sous l'oeil d'observateurs connus.

En fait, ce qui se passe est bien différent.

D'abord, j'oublie la plupart du temps totalement que ce que j'écris va être lu, et si je pense à mes amis, c'est pour leur faire quelques clins d'oeil qu'ils sont les seuls à pouvoir déceler dans les billets.

Ensuite, ce sont des gens que j'aime et ils ne me donnent pas l'occasion de dire sur eux des choses désagréables ( N'en profitez pas pour commencer, hein!) .

Enfin, je n'ai pas besoin d'une censure ou d'une barrière concernant ma vie vraiment très privée puisque je n'en parle pas, ou presque, depuis que j'ai terminé Abécédaire et Des Riens. Je suis pudique, pas de corps mais d'esprit. Ce qui se passe entre deux êtres n'appartient qu'à eux. On peut évoquer ses joies, ses douleurs, ses désirs, ses regrets, mais l'étranger reste derrière la porte lorsqu'elle se referme, un peu comme dans les vieux films américains, ceux que je préfère.

Ce que j'espère simplement, c'est que mes amis me reconnaissent, c'est-à-dire que ce qu'ils lisent correspond à ce qu'ils voyaient en moi, que ce n'est pas un autre R. totalement inconnu qui émerge de chaque phrase de ce blog, que j'arrive à être moi sans me cacher derrière des mots ou de la littérature creuse. Ou que, s'ils découvrent quelqu'un qu'ils ne connaissaient pas, ils se disent bien que c'est celui-ci, le bon (la plupart du temps), pas celui qui parfois cède aux facilités des relations sociales.

Comme chantait Barbara: Si la photo est bonne...